mercredi 30 janvier 2019

Paris au Grand siècle. Introduction et bibliographie

PARIS AU GRAND SIECLE

Introduction et bibliographie


L'une des façades de la place des Vosges, IVème arrondissement
Lorsque l'on évoque les transformations du paysage parisien, on pense généralement à Haussmann et à ses travaux qui ont complètement changé la capitale. Pourtant, celle-ci avait déjà connu de grands remaniements architecturaux de la même ampleur que celle d'Haussmann.

Nous sommes au début du XVIIème siècle dans un contexte d'apaisement religieux — l'Edit de Nantes, qui marque la fin des guerres de religion est signé en 1598. Un monarque, Henri IV nous dit Jean-Pierre Babelon dans son ouvrage Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII souhaite harmoniser le paysage urbain car le Moyen-Âge a laissé Paris dans son « habit d'Arlequin ». Ce qu'il veut dire c'est qu'au Moyen-Âge, les maisons sont de tailles et de formes tellement différentes qu'il n'y a aucune harmonie visuelle.

L'historien précise qu'Henri IV décide de vivre à Paris contrairement à ses prédécesseurs qui ont préféré les châteaux de la Loire sous la Renaissance. Le monarque veut faire de Paris une grande ville.

Il faut savoir qu'au début du XVIIème siècle, Paris est encore limitée par l'enceinte de Philippe Auguste. Ce qui signifie qu'il n'y a ni villages comme ceux de Montmartre, Passy, Vaugirard, Auteuil… Il faut imaginer Paris sans sa tour Eiffel ni arc de Triomphe, sans gares ni grands magasins. Je me limiterai donc ici au centre de la capitale.

J'aborderai la fin de la période Renaissance (ce qui peut faire une bonne transition entre le Paris Médiéval déjà publié)  quelques caractéristiques de l'architecture du XVIIème siècle  l'importance des places royales et le rôle joué par les monarques et leurs proches  enfin, je terminerai par une petite visite par quartier.

Pour ce thème, outre l'ouvrage de Jean-Pierre Babelon déjà cité, je me suis basée surtout sur le livre de Nicolas Courtin (sous la direction de Claude Mignot), Paris Grand siècle, Parigramme (2008). Puis j'ai consulté l'ouvrage de J.M. Labordière, Les hôtels particuliers parisiens, collection Reconnaître, Massin Editeur (2004). Pour les hôtels particuliers du quartier du Marais&nbsp: À la découverte du Marais de l'Association pour la Sauvegarde et la Mise en valeur du Paris historique (2008).

J'ai consulté le Dictionnaire historique des rues de Paris, de Jacques Hillairet, 9e édition, aux Éditions de Minuit (1985) et quelques articles sur Wikipedia et la base Mérimée pour les édifices inscrits aux monuments historiques.

J'ai regardé les podcasts des conférences d'Alexandre Gady intitulés « De la place royale au XVIIème et XVIIIème siècles » et « L'hôtel particulier en France XVIème - début XIXème siècle » (les deux chapitres) sur Dailymotion.

Enfin, j'ai consulté la documentation du Centre des monuments nationaux, celle de la Ville de Paris, en particulier les protections patrimoniales de la Ville de Paris (Plan Local d'Urbanisme) et autres documentations de certains lieux comme celles de l'Institut suédois ou du Palais du Luxembourg.

Notre période, surnommée « Grand siècle » concerne la période d'Henri IV (1589-1610), de Louis XIII (1610-1643) et une partie du règne de Louis XIV soit de 1643 jusqu'aux environs de 1682, c'est-à-dire lorsque celui-ci décide de s'installer à Versailles et… de révoquer l'Édit de Nantes en 1685.
Selon le livre de Nicolas Courtin, on construit beaucoup d'édifices religieux et quelques hôpitaux  cependant, ces deux sujets sont trop vastes à eux seuls pour être abordés dans ce thème.

Paris au Grand siècle (1) : Paris au temps de la Renaissance

Il reste très peu de témoignages de la période Renaissance à Paris. Toutefois, en poussant parfois une porte on peut tomber sur des pépites. Ceux qui sont allergiques au Marais s'abstenir car les quelques exemples ci-dessous viennent essentiellement du Marais mais pas que…

La maison dite de Marie Touchet

22bis, rue du Pont-Louis-Philippe, IVème arrondissement
Façade de l'une des cours de la maison
La maison dite de Marie Touchet est l'un des très rares témoignages du début du XVIème siècle que l'on peut trouver à Paris.

Oublions tout d'abord les deux lucarnes que l'on voit sur la photo qui ont été ajoutées au XIXème siècle.

Ce que l'on remarque est le mélange de brique qui a presque disparu et de la pierre. Ces deux éléments constituent les matériaux les plus utilisés à cette époque.

Détail de la façade

Cette façade est pourvue d'un pilastre décoré de deux personnages.

Façade de l'autre cour de la maison

La maison se compose de deux cours dont l'une est couverte de briques et de pierre et l'autre possède des façades à colombages.

Façade à colombages

On remarque la hauteur et l'étroitesse des fenêtres qui laissent passer peu de lumière.

Ce style d'architecture existait déjà au Moyen-Âge : même style, mêmes matériaux… La Renaissance est dans la continuité de ce qu'il y avait déjà au Moyen-Age.

Des fleurs de lys ?

Détail de la façade à colombages

Sur la façade à colombages, on remarque la présence de pilastres en bois cannelés d'ordre corinthien.

Le livre À la découverte du Marais évoque la présence de fleurs de lys mais sans en être sûr.

Fenêtres décorées de pilastres en bois

La façade est pourvue de frises qui séparent les étages entre eux.

Rampe d'escaliers à l'intérieur.

L'intérieur est également doté d'un escalier du XVIème siècle.

Qui est Marie Touchet ?

L'association pour la Sauvegarde et la Mise en valeur du Paris historique nous raconte qu'une certaine Marie Touchet aurait habité cette maison. Cette femme est connue pour avoir été la maîtresse du roi Charles IX dont elle aura un fils, nommé par la suite duc d'Angoulême. En 1574, Marie Touchet alors mariée à François de Balzac d'Entragues donne naissance à une fille, Catherine Henriette, future favorite du roi Henri IV de 1599 à 1608.

Hôtel de Marle, Institut suédois et Institut Tessin

11, rue Payenne et 10, rue Elzévir (côté jardin), IIIème arrondissement
Façade de l'hôtel de Marle côté cour vue depuis le square Georges Caïn

De l'extérieur, l'hôtel de Marle présente un style très XVIIème siècle.

Porte de l'hôtel de Marle

La porte d'entrée est simple quoique surplombée d'un mascaron à tête de femme. Et pourtant, cette demeure a été bâtie vers 1572 et comporte quelques caractéristiques de la Renaissance.

Vue de la cour de l'hôtel de Marle

Sur la photo ci-dessus, on remarque la forme arrondie du toit. Cette forme arrondie, appelée « carène renversée » telle la forme inversée d'un navire est typique de l'architecture du XVIème siècle nous informe la documentation de l'Institut suédois.

Plafond à l'intérieur de l'hôtel de Marle

Le plafond situé au premier étage présente des solives peintes. Ce type de décoration est courant sous la Renaissance.

L'association pour la Sauvegarde et la Mise en valeur du Paris historique (ASMP) nous précise qu'au XVIIème puis au XVIIIème siècle cette demeure va connaître quelques transformations.

Comment l'hôtel de Marle est devenu l'Institut suédois ?

L'ASMP nous explique que cette demeure va connaître quelques prestigieux propriétaires. La documentation de l'Institut suédois nous indique que l'hôtel de Marle a été pillé sous la Révolution française (tout comme beaucoup d'hôtels particuliers à Paris). Par la suite, l'hôtel de Marle est vendu puis divisé en plusieurs parties : école, commerces et même un garage ! En 1965 l'hôtel est racheté par la Suède qui se charge de le restaurer et d'y ajouter une collection d'objets d'art du XVIIIème siècle.

Hôtel de Scipion Sardini

13, rue Scipion, Vème arrondissement
Porte d'entrée de l'hôtel Scipion

Derrière cette façade il est difficile d'imaginer qu'à l'intérieur figure un trésor architectural de la Renaissance.

Galerie de brique et de pierre

Cette galerie serait l'un des plus anciens témoignages du style Renaissance à Paris.

La façade, classée monument historique nous confirme la base Mérimée est couverte de brique et de pierre. On remarque la présence d'arcades dites à l'italienne typiques du style toscan à cette époque.

Mascaron masculin

Sur la galerie on aperçoit des mascarons situés sous les fenêtres. Selon l'ouvrage d’Hippolyte Cocheris, Histoire de la ville et de tout le diocèse par l'Abbé Lebœuf (source visible via Wikipedia), le mascaron que l'on voit ci-dessus représenterait un guerrier avec une tête de lion. Cette sculpture serait une pâle imitation du style de Michelange selon l'auteur.

Mascaron masculin

Quant à la sculpture située sous une fenêtre — photo ci-dessus — il pourrait s'agir de Scipion lui-même en tenue de guerrier dans le style d'Henri II, néanmoins cette source reste à vérifier.

Mascaron féminin

Les autres bustes représentent des figures féminines.

Qui est Scipion Sardini ?

Le panneau historique situé tout près évoque la construction de cet hôtel en 1565 pour le compte d'un financier, Scipion Sardini, financier toscan proche de Catherine de Médicis. À cette époque, l'hôtel est construit dans un quartier tranquille et plutôt excentré de Paris. Il s'y installe avec son épouse Isabelle de Limeuil, dame de compagnie de Catherine de Médicis.

En 1614, l'hôtel particulier se transforme en hôpital Sainte-Marthe. Puis, en 1676 est affecté à la boulangerie des hospices de Paris.

Maison d'Ourscamp

(Autrefois maison dite à l'enseigne de l'ours)
44-46, rue François Miron, IVème arrondissement
Façade de la Maison d'Ourscamp


L'immeuble que l'on voit sur la photo ci-dessus présente une façade entièrement faite de pierres apparentes et de larges fenêtres. On observe également deux fenêtres situées sur le toit.

Fenêtre médiévale ?

Bâtie sur une ancienne demeure médiévale occupée par des moines, la maison d'Ourscamp est construite vers 1585 selon l'oeuvre de l'ASMP, À la découverte du Marais. On sait que le cellier et le rez-de-chaussée étaient bien là avant le XVIème siècle.

Mur à colombage dans la courette

La maison d'Ourscamp est dotée d'une courette à colombage. L'oeuvre de l'ASMP précise que les fenêtres ont été modifiées avec les siècles qui ont suivi la construction de la maison.

Petit balcon

La particularité de la cour est le tout petit balcon situé au deuxième étage.

Détail du plafond

La photo ci-dessus nous montre un plafond typique du XVIème siècle avec ses peintures sur les solives que l'on peut encore admirer aujourd'hui.

La maison qui abrite aujourd'hui le siège de l'ASMP est l'exemple d'une restauration entreprise uniquement par ses bénévoles. Cette association vise à protéger, restaurer et parfois à défendre d'anciennes demeures qui sont sur le point d'êtres vendues ou démolies.

Palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés

3-5, rue de l'Abbaye, VIème arrondissement
Façade du palais abbatial

Nous allons voir un autre exemple d'immeuble qui mélange la brique et la pierre encore debout au XXIème siècle. Nicolas Courtin dans son livre Paris Grand siècle nous précise que l'utilisation de ces deux matériaux sont encore à la mode jusqu'aux environs de 1630.

Selon le panneau de la ville de Paris, le palais abbatial de Saint-Germain-dés-Prés serait le deuxième édifice construit en pierre et en brique à Paris après l'hôtel de Scipion Sardini en 1586. Construit une vingtaine d'années après son prédécesseur, le palais abbatial présente des nouveautés.

Angle du palais abbatial

On remarque une petite aile sur chaque extrémité de la façade.

Fronton du palais abbatial

On observe également un fronton sculpté à l'extrémité de l'aile, ce que l'on ne voyait pas jusqu'à présent.

Paris au Grand siècle (2) : Du rustique français au style sévère

À quoi reconnait-on un immeuble du XVIIème siècle ? Nous allons voir dans ce chapitre les matériaux utilisés, les caractéristiques des immeubles du XVIIème siècle, l'évolution du style architectural et l'apparition de l'hôtel particulier.

Les matériaux

41, quai de l'Horloge Ier arrondissement

La brique et la pierre

Nous avons vu qu'à la Renaissance, voire au Moyen-Âge, le mélange de la pierre et de la brique brillaient sur nos façades parisiennes. On parle alors de « style rustique ». Nicolas Courtin évoque carrément une mode sous le règne d'Henri IV (1589-1610) dans son ouvrage Paris Grand siècle. Le numéro 41 du quai de l'Horloge sur l’Île de la Cité illustre ce phénomène.

9 quai Malaquais, VIème arrondissement

On trouve dans le vieux Paris, d'autres exemples de façades truffées de briques et de pierres tel le 9 quai Malaquais dans le VIème arrondissement. La base Mérimée nous évoque le nom d'hôtel de Transylvanie construit d'abord en 1623 toutefois cet immeuble a connu des transformations au XIXème siècle. Cet édifice est inscrit aux monuments historiques.

Généralisation de la pierre de taille


Cour de l'hôtel d'Albret, IVème arrondissement

La photo ci-dessus représente une partie de la cour de l'hôtel d'Albret situé au 29bis-31, rue des Francs-Bourgeois en plein cœur du Marais ; aujourd’hui cet emplacement est occupé par une administration de la ville de Paris.

D'emblée on constate que la façade est entièrement couverte de pierre de taille. Ici, point de brique. Seul le toit présente une couleur différente, il est constitué uniquement d'ardoise. Selon l'ouvrage À la découverte du Marais de l'ASMP, l'hôtel d'Albret aurait été construit sur un édifice de la seconde moitié du XVIème siècle. Le panneau affiché à l'entrée nous signale que cet hôtel particulier a connu des remaniements dès les années 1630 - puis au XVIIIème siècle sur la façade sur rue.

Cour de l'hôtel de Saint-Aignan

Autre exemple de l'utilisation de la pierre de taille, l'hôtel de Saint-Aignan situé au 71-73, rue du Temple dans le IIIème arrondissement, l'actuel musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme.

La cour est de forme carrée, monochrome avec un toit d'ardoise. Afin de respecter la forme en carré de la cour, on remarque à gauche, la présence d'un mur renard (une façade d'apparat juxtaposée au mur mitoyen) pour garder une certaine symétrie.

On remarque enfin la présence de pilastres corinthiens entre chaque fenêtre et un fronton sculpté.
Cet hôtel particulier est l'œuvre de Pierre le Muet selon l'ouvrage À la découverte du Marais. Le site Wikipedia évoque l'année de sa construction vers 1644-1650 mais cette information reste à confirmer.

Caractéristiques de l'architecture du XVIIème siècle

Abandon de la polychromie


Détail d'une façade rue Monsieur-le-Prince, VIème arrondissement

Selon Nicolas Courtin dans son ouvrage Paris Grand siècle, la tendance à la monochromie avec une préférence pour le blanc va s'accentuer dès les années 1640 aussi bien dans les hôtels particuliers que dans les maisons plus ordinaires comme celles de la rue Monsieur-le-Prince.

Horizontalité et verticalité


91 rue Quincampoix, IVème arrondissement

C'est au XVIIème siècle, nous précise Nicolas Courtin que les immeubles vont gagner en hauteur, telle la rue Quincampoix ou la rue du Grenier Saint-Lazare dans le quartier de Halles. Souvent, un commerce abrite le rez-de-chaussée où l'on observe que l'immeuble a une épaisseur plus large et le résident entre chez lui par une porte latérale.

14, rue du Grenier-Saint-Lazare, IIIème arrondissement

Les immeubles vont également gagner en horizontalité (photo ci-dessous). Les étages sont délimités par des bandes horizontales. Dans les immeubles plus cossus, la porte cochère est plus grande.

4 rue Férou, VIème arrondissement

Frontons sculptés


9, rue Saint-Merri, IVème arrondissement

Le XVIIème siècle voit arriver des frontons sculptés (photo ci-dessus). C'est une période où l'on a tendance à ajouter des sculptures selon l'ouvrage de Nicolas Courtin. Ici, on distingue un coquillage entouré de fleurs. Cet hôtel particulier aurait été construit vers 1630 selon Jacques Hillairet dans son Dictionnaire historiques des rues de Paris.

Détail de la façade côté jardin du 26, rue Geoffroy l'Asnier, IVème arrondissement

Pour les plus fortunés, des sculptures sont intégrées tout le long des façades tel l'hôtel Chalons-Luxembourg situé dans le IVème arrondissement.

Mascaron de l'hôtel Chalons- Luxembourg

Ici les mascarons représentent des têtes grotesques. Sur la porte d'entrée, on est attiré par la tête de lion avec sa crinière abondante (photo ci-dessous).

Détail de l'entrée de l'hôtel Chalons- Luxembourg

Selon À la découverte du Marais de l'ASMP et d'après l'inscription sur la porte d'entrée du 26, rue Geoffroy l'Asnier, cet hôtel particulier daterait de 1625. Les noms mentionnés seraient ceux de ses occupants.

Les fenêtres et lucarnes

Fenêtres

Depuis le Moyen-Age, puis au début de la Renaissance, les fenêtres sont en majorité pourvues de meneaux, c'est-à-dire d'une structure en pierre comme on peut le voir à l'hôtel Scipion Sardini.

Au XVIIème siècle, la fenêtre est pourvue de meneaux en bois qui laissent mieux passer la lumière.

Fenêtre de l'hôtel Scipion Sardini
Fenêtre de l'hôtel Amelot de Bisseuil 47, rue Vieille-du-Temple, IVème arrondissement


D'une manière générale, il faut rappeler aux promeneurs que les fenêtres que l'on voit sur les façades ne datent pas du XVIIème siècle. Elles ont souvent été remplacées dès le XVIIIème siècle selon Nicolas Courtin. Les carreaux du XVIIème sont généralement de petite taille.

Lucarnes

Au cours du Grand siècle, on trouve des lucarnes de formes différentes.

Cour de l'hôtel Le Rebours situé au 12, rue Saint-Merri, IVème arrondissement

On peut les voir au niveau des combles (photo ci-dessus). D'après l'ASMP il s'agirait de lucarnes typiques du « style Louis XIII ».
Ce qu'on appelle communément le style Louis XIII ne concerne pas forcément les constructions qui ont été édifiées sous le règne de ce roi mais il débute plus ou moins vers 1580 pour se terminer vers 1635 nous dit J.M. Labordière dans son ouvrage Les hôtels particuliers parisiens.

Cours de l'hôtel d'Albret avec ses lucarnes

Toits d'ardoise


76, rue des Archives, IIIème arrondissement

Le plomb et la tuile sont utilisés au XVIIème siècle mais c'est surtout l'ardoise que l'on utilise pour construire les toits parisiens comme par exemple l'hôtel Le Pelletier de Souzy qui daterait du deuxième quart du XVIIème selon la base Mérimée.

Cour de l'hôtel Donon situé au 8, rue Elzévir, IIIème arrondissement

Même chose pour l'hôtel Donon construit d'abord en 1575 puis transformé au XVIIème et XVIIIème siècle selon l'ASMP.

Tourelles


Angle du 47 rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie et de la Temple, IVème arrondissement

Autre caractéristique des maisons anciennes du XVIIème siècle, on trouve des tourelles. Selon J.M. Labordière dans Les Hôtels particuliers parisiens, on en trouvait déjà au Moyen-Âge mais cette tendance va se poursuivre au XVIème siècle puis au début du XVIIème siècle comme celle du 47, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie en plein cœur du Marais de forme rectangulaire. Selon Jacques Hillairet dans son Dictionnaire historique des rues de Paris, cette tourelle daterait de 1610.

Prolifération de l'hôtel particulier


Hôtel Feydeau de Montholon, VIème arrondissement


Selon J.M. Labordière dans son ouvrage Les hôtels particuliers parisiens, on va construire des hôtels particuliers dès la seconde moitié du XVIème siècle mais c'est surtout à partir du début du XVIIème que le nombre d'hôtels particuliers va constamment augmenter. Cette augmentation, selon l'auteur serait encouragée par la politique urbaine exercée par Henri IV au moins jusqu'à son assassinat en 1610 avant de connaître une petite baisse puis un regain dès 1625.

Qu'est-ce qu'un hôtel particulier?

Plus qu'une maison, l'hôtel particulier est une demeure qui généralement prend de la place et qui est destinée à abriter une famille selon J.M. Labordière.
Alexandre Gady dans sa conférence intitulée L'hôtel particulier en France, XVI-XIXème siècle (1) nous fait savoir que lorsqu'on dit « famille », il ne s'agit pas juste d'un couple avec enfants mais on parle de famille élargie (parents, grands-parents, cousins…) et du personnel (valets, cuisiniers…). Il faut donc un lieu suffisamment grand pour abriter ce monde.
La plupart du temps, l'hôtel particulier est construit en pierre de taille et possède des toits d'ardoise. Il possède généralement deux ailes.

Hôtel Guénégaud-des-Brosses, IIIème arrondissement

L'hôtel particulier a souvent une forme de quadrilatère, le pavillon se situe toujours entre cour et jardin et possède une porte cochère tel l'hôtel Guénégaud-des-Brosses que l'on voit sur la photo ci-dessus.

Balcon de l'hôtel de Lauzun situé au 17 quai d'Anjou IVème arrondissement

Qui dit famille élargie avec du personnel à abriter dit richesse ! En effet, seuls les plus fortunés — soit la noblesse — pouvaient s'offrir un hôtel particulier. Souvent, ce sont des proches du pouvoir comme l'hôtel Guénégaud-des-Brosses construit par François Mansart en 1652 pour Jean-François Guénégaud conseiller d'État nous précise l'ASMP ou bien l'hôtel de Lauzun construit par Louis Le Vau pour le financier Charles Gryun en 1657 précise Wikipédia.

L'hôtel de Lauzun situé sur l’Île-Saint-Louis (photo ci-dessus) possède un balcon, ce qui est nouveau (les premiers balcons dateraient des années 1640 selon J.M. Labordière. Cet hôtel daterait du troisième quart du XVIIème siècle selon la base Mérimée (l'hôtel est classé monument historique). Le balcon noir et doré est un signe de richesse. L'hôtel particulier a pour fonction de montrer sa richesse (le balcon) et d'être vu sans être vu (derrière sa porte cochère) selon Alexandre Gady.

Le conférencier ajoute que ce sont des personnes de même statut social qui vont se regrouper (un hôtel particulier ne se trouve jamais dans un lieu isolé) soit dans le Marais ou l'Île-Saint-Louis et surtout près des lieux de pouvoir, le quartier du Louvre par exemple pour la première moitié du XVIIème siècle.
Malgré ces signes extérieurs de richesse, les hôtels particuliers sous Louis XIV — à partir des années 1640 — vont devenir plus sobres au moins vus de l'extérieur !

Vers un style plus sévère ?


Entrée du 70, rue des Archives, IIIème arrondissement

À partir des années 1640, les façades vont avoir un aspect plus austère. Nicolas Courtin évoque un « style sévère » qui va se répandre sous le règne de Louis XIV.
Sur la photo ci-dessus, on remarque la présence d'un fronton rectangulaire, ce qui donne un côté moins chaleureux — c'est une porte d'entrée, celle qui nous accueille. Ce fronton est pourvu d'un demi-cercle, d'une sorte d'oculus au centre orné d'un mascaron. Ce dernier représente un visage plutôt masculin avec un casque ailé, on pense ici à Hermès souvent représenté ainsi.

72, rue des Archives, IIIème arrondissement

Les hôtels de Montescot et de Villeflix (photos ci-dessus) illustrent cette austérité.

Paris au Grand siècle (3) : Les places royales de Paris au XVIIème siècle

Statue équestre d'Henri IV, Île de la Cité, Ier arrondissement

En vous promenant sur le Pont Neuf, vous avez forcément remarqué la statue d'Henri IV non pas sur son cheval blanc mais sur un cheval de bronze noir. Cette statue est située juste en face de la place Dauphine, c'est un quartier très fréquenté de nos jours vous ne pouvez pas la manquer.

Le monarque est représenté à cheval, tête nue. Il tient à sa droite un bâton de commandement nous précise Michel Faul dans son article intitulé « La statue de Henri IV… que de péripéties ! » dans le magazine Paris. De Lutèce à nos jours (n°8).

Alexandre Gady dans sa conférence intitulée « La place royale au XVIIème et XVIIIème siècles ; un monument creux ? » nous fait remarquer que la statue d'Henri IV n'est pas située au centre de la place mais sur une petite place accolée au pont. Sur un socle, en hauteur, le roi Henri IV observe la place plus ou moins en face de lui.

Positionné ainsi, le public peut observer le roi de France voire le toucher car on voue un culte à Henri IV. Ainsi, le monarque utilise la place Dauphine comme un moyen de mettre en scène son pouvoir. Si la statue avait été positionnée au centre de la place, les badauds ne l'auraient pas forcément remarquée…

Henri IV n'aura pas eu le temps de voir sa statue car celle-ci n'a pu être terminée qu'en 1611 soit un an après sa mort.

Alexandre Gady explique dans sa conférence (op. cit.) que la création d'une place royale comme instrument politique est typiquement parisien dans un premier temps, français dans un deuxième temps — quoique inspiré du style florentin pour la statue équestre* — puis européen.

Pour finir en ce qui concerne la statue d'Henri IV, il faut savoir que cette statue finit par être démolie en 1792 avant que Louis XVIII en 1818 ne fasse reconstruire une autre statue à l'effigie de son aïeul (celle que nous connaissons actuellement). Dès lors des légendes vont apparaître sur les éventuels documents que renfermerait le socle de la statue. En 2004, des documents plus ou moins inattendus auraient été mis au jour dans le cadre d'une restauration. Pour en savoir plus, je vous recommande vivement l'article de Michel Faul dans le magazine Paris. De Lutèce à nos jours (n°8), page 37.

* Michel Faul nous apprend que les auteurs de la première statue d'Henri IV sont Toscans sous l'influence de l'épouse d'Henri IV Marie de Médicis.

Place Dauphine

Île de la Cité, Ier arrondissement
Place Dauphine vue depuis la place du Pont-Neuf, Ier arrondissement

Michel Faul dans son article (op. cit.) précise qu'Henri IV décide de créer une place en l'honneur du Dauphin le futur Louis XIII.

Nicolas Courtin dans son ouvrage Paris Grand siècle précise qu'avant la place Dauphine la ville de Paris ne connaissait qu'une seule place, celle de Notre-Dame qui correspond en fait à son parvis.

Henri IV et Sully décident de créer des places à Paris dont la place Dauphine en 1607. Très vite, des orfèvres vont s'y installer (le quai des Orfèvres situé sur la partie sud de l'Île-de-la-Cité tirerait son nom du fait de leur présence).

Square de la place Dauphine, Ier arrondissement

Située presque à la pointe de l’Île-de- la-Cité, la place Dauphine à la particularité d'avoir une forme triangulaire. Les immeubles qui l'entourent forment une sorte d'écrin. Il faut savoir qu'à l'origine, la place Dauphine était pourvue d'immeubles situés dans l'actuelle rue de Harlay comme nous l'indique Alexandre Gady dans sa conférence (op. cit.). Aujourd'hui, ne subsistent que le côté pair (celui de la photo ci-dessus), le côté impair que l'on devine à gauche et sa pointe (photo ci-dessous).

Pointe de la place Dauphine (rue Henri-Robert), Ier arrondissement

Une photo de Charles Marville illustre la place avec la présence des immeubles disparus. Aujourd'hui, le triangle a perdu sa base et la place Dauphine a vue sur une partie du Palais de Justice.

15, place Dauphine, Ier arrondissement

Une partie des immeubles encore présents date du XVIIème siècle comme l'atteste la documentation de la Ville de Paris, notamment le numéro 15 (photo ci-dessus) qui aurait été construit entre 1611 et 1623. Le rez-de-chaussée est pourvu de portes et de fenêtres entourées d'arcades. Apparaissent également des oculi (la petite fenêtre au-dessus de la porte du numéro 15). De nombreuses façades de cette place sont inscrites aux monuments historiques.

Les façades de la place Dauphine comportent majoritairement de la brique et de la pierre chère au style de l'époque.

Malgré quelques transformations, la place Dauphine est un lieu très agréable et est considérée comme l'une des places les plus romantiques de la capitale.

Place des Vosges

Le Marais, IIIème et IVème arrondissement
L'une des façades de la place des Vosges, IIIème et IVème arrondissement

Autre œuvre urbanistique conçue sous l'impulsion d'Henri IV et de Sully, la place des Vosges constitue une autre place royale qui embellie la ville et qui est utilisée comme instrument politique.
De forme rectangulaire, la place des Vosges a été conçue entre 1605 et 1612 selon l'ASMP dans son ouvrage À la découverte du Marais. On n'est pas très sûr du nom de l'architecte de cette place, néanmoins, le nom de Clément Métezeau revient le plus souvent notamment d'après l'ASMP.
Tout comme la place Dauphine, la place des Vosges présente une harmonie visuelle de pavillons (36 au total) tous couverts de briques et de pierres et des toits conçus en ardoise.

Une affaire de rois

D'après Nicolas Courtin dans son ouvrage Paris Grand siècle, la place des Vosges — anciennement appelée place royale — a été inaugurée en 1612 pour commémorer les fiançailles du futur Louis XIII et d'Anne d'Autriche. Il faut imaginer à l'époque, une gigantesque fête avec la présence d'un carrousel.

Rue de Birague, IVème arrondissement

La place est constituée d'un pavillon du roi dont on a accès depuis la rue de Birague. Les arcades sont dotées de pilastres doriques. Au-dessus, on aperçoit des décorations : à gauche on voit deux épées, à droite : une lyre et une palette de peinture. À chaque extrémité, figure la lettre H qui fait allusion à Henri IV.

En outre, un pavillon dit « de la reine » fait face à ce pavillon.

Pavillon du roi

Le roi de France est représenté dans un petit médaillon ajouté sous la Restauration nous indique Alexandre Gady dans sa conférence intitulée « La place royale au XVIIème - XVIIIème siècle ; un monument creux ? » L'historien ajoute qu'à l'époque de sa conception, la place des Vosges est la plus grande place de la capitale.

Arcades

La place des Vosges est composée d'arcades qui longent l'ensemble du quadrilatère. Ses arcades sont alors occupées par des manufactures de la soie selon Alexandre Gady dans sa conférence (op. cit.). La volonté d'Henri IV est de faire de cette place un lieu de promenade mais très vite, la place va être récupérée par les aristocrates.

Détail d'une façade

Cette place va devenir avec la statue de Louis XIII dès 1638 (je vous invite à faire un petit tour dans le thème des fontaines pour connaître l'origine de cette statue) un lieu où règne l'aristocratie même si le jardin en son centre demeure un lieu public nous explique Alexandre Gady. En effet, au XVIIème siècle, des personnalités comme Madame de Sévigné résident dans cet écrin royal.

D'où vient le nom de place des Vosges ?

Place des Vosges

D'après l'ASMP, on retire la statue de Louis XIII dès 1792 — la Révolution est passée par là ! La place des Vosges devient alors la place des Fédérés, ensuite place de l'Indivisibilité, enfin place des Vosges en 1800 du nom du premier département à avoir payé ses impôts.

Quant à la statue de Louis XIII, celle que nous connaissons actuellement, elle daterait de 1819, changement de régime. Enfin, les grilles qui entourent le square auraient été ajoutées sous la Monarchie de Juillet dès 1830.

De nos jours, la place des Vosges renferme de nombreux appartements aux escaliers et façades classés monuments historiques et attire toujours des personnalités!

Place des Victoires

Ier et IIème arrondissements
Place des Victoires

À quelques pas du Louvre, vous croiserez la statue équestre de Louis XIV située en plein centre de la place des Victoires.

Conçue entre 1685 et 1692, on doit l'érection de cette place à Jules Hardouin-Mansart.

Le roi soleil règne sur son cheval et savoure ses victoires puisque son nom fait allusion aux victoires militaires du roi de guerre.

À l'origine, un hôtel particulier dit de Lafeuillade — nom d'un admirateur de Louis XIV — est construit en ce lieu et fait ériger la statue du roi de France selon Alexandre Gady dans sa conférence « La place royale au XVIIème - XVIIIème siècle ; un monument creux ? ».

On remarque sur la photo que la place est plus moins circulaire. L'historien ajoute que la statue que l'on peut admirer aujourd'hui n'est pas la même que l'on a construit en 1685. À l'origine, Louis XIV était représenté debout en habits de sacre humiliant ses adversaires. Tout comme les statues de ses prédécesseurs, la statue va changer en fonction des différents régimes politiques.

Autour de la statue Jules Hardouin-Mansart va construire des immeubles dont celui qui se trouve à droite de la photo, soit le numéro 5 de la place, l'hôtel Bauyn de Péreuse selon Wikipedia.
Ne vous attardez pas sur l'angle de l'immeuble car celui-ci a été ajouté au XIXème siècle (on le remarque car le toit est plus élevé).

L'architecte du roi va s'inspirer du château de Versailles pour concevoir cet immeuble et ériger des façades rideaux, c'est-à-dire qui cachent ce qu'il y a derrière ce que l'on n'a pas pu détruire et qui n'est pas du tout en harmonie. Ces façades rideaux sont conçues comme un décor de théâtre, de mise en scène toujours selon l'historien dans sa conférence (op. cit.). La place des Victoire est une mise en scène du pouvoir royal.

Avec ses arcades au rez-de-chaussée, ses petits mascarons au-dessus et ses pilastres colossaux de style ionique au premier étage, cet hôtel particulier illustre le style d'architecture qui va se développer jusqu'au XVIIIème siècle.