lundi 19 février 2018

Un siècle d'ateliers d'artistes : 1830 - 1930. Introduction et bibliographie

42-44 avenue René Coty, XIVème arrondissement
Véritable lieu de création, l'atelier d'artiste tient une place particulière dans le paysage architectural parisien. Ses grandes et hautes fenêtres qui le caractérise vont inspirer les architectes de divers styles. En un siècle, l'atelier d'artiste va refléter les mutations architecturales que connaît la ville de Paris. Il s'agit ici de montrer l'évolution des ateliers d'artistes de la première moitié du XIXème siècle jusque dans l'entre-deux-guerres. On va voir également que des quartiers d'artistes vont apparaître et que l'aspect financier va jouer un rôle important dans la construction de certains immeubles plus ou moins cossus.
On verra également que Paris aime ses ateliers d'artistes puisque certains d'entre eux sont devenus des musées (la photo ci-dessous par exemple).

Atelier d'Antoine Bourdelle

Bibliographie

J'ai principalement consulté le livre de Jean-Claude Delorme et d'Anne-Marie Dubois intitulé Ateliers d'artistes à Paris, Parigramme, (2015). Le Dictionnaire des rues de Paris de Jacques Hillairet m'a permis de connaître l'historique de certaines adresses. J'ai consulté également l'œuvre d'Olivier Renault, Montparnasse, les lieux de légende, Parigramme, (2013) et d'Hélène Rochette, Maisons d'écrivains et d'artistes. Paris et ses alentours, Parigramme (2012).
Par ailleurs, j'ai visité quelques musées et utilisé leur documentation (musée Delacroix, Montmartre, Maison La Roche...) et la documentation des villes de Paris et de Boulogne.
Enfin, j'ai complété mes recherches avec Wikipedia et la base Mérimée disponibles en ligne.

Caractéristiques des ateliers d'artistes

À quoi reconnait-on un atelier d'artiste ?
Fenêtres du 17 rue Saint-Sénoch, XVIIème arrondissement
C'est d'abord la grande taille de ses fenêtres qui laisse entrer la lumière, élément indispensable pour créer. Certaines façades sont quasiment couvertes de fenêtres, d'autres vont contenir des verrières qui peuvent parfois occuper une partie du toit. La baie verticale devient une caractéristique indispensable de l'atelier d'artiste. On constate également que ces fenêtres peuvent être situées dans les derniers étages des immeubles comme on peut le voir sur la photo ci-dessous.

1 rue Labruyère, IXème arrondissement

Autre caractéristique, la double hauteur appelée aussi duplex qui permet de séparer le lieu de travail de celui de l'habitation.

73 boulevard de Montmorency, XVIème arrondissement

Petit historique des ateliers d'artistes

Jusqu'à la Renaissance, l'artiste peint à la lueur de la bougie. C'est seulement à partir du XVIIIème siècle que l'on commence à construire des grandes verrières qui laissent passer la lumière. Le premier grand atelier d'artiste se trouve au Louvre où des baies vitrées sont installées. Ce lieu privilégié est un lieu de pouvoir où quelques artistes — Hubert Robert, Fragonard, Girardon, Pigalle, Chardin... — sont protégés par le roi.
En 1806, Napoléon expulse les artistes du Louvre et leur propose des ateliers officiels situés en dehors des lieux de pouvoir. Ces ateliers sont éphémères et seule une élite est concernée.

C'est à partir des années 1820 que des artistes vont se faire construire des ateliers notamment dans le quartier de la Nouvelle Athènes qui est le quartier à la mode. À cette époque les artistes n'hésitent pas à exposer chez eux et mettent en scène leurs œuvres. Ainsi, les artistes attirent ainsi une clientèle bourgeoise.

1 rue de la Tour des Dames, IXème arrondissement

Toutefois, tous les artistes n'ont pas forcément les moyens de se faire construire des hôtels particuliers, leurs conditions de vie peuvent être modestes.

Ateliers vus depuis la petite ceinture du XVème arrondissement

Beaucoup d'ateliers, notamment en bois, vont apparaître puis disparaître. Certains pourtant vont rester, et quoique dissimulés dans des cours d'immeubles, il est aujourd'hui parfois possible de les visiter lors de journées portes ouvertes.

Bonne visite!

Un siècle d'ateliers d'artistes: 1830 - 1880 l'âge d'or des ateliers

Quartier de la Nouvelle Athènes

Musée de la Vie Romantique, 16 rue Chaptal, IXème arrondissement

Vue du pavillon du musée de la Vie Romantique
Jacques Hillairet dans son Dictionnaire Historique des rues de Paris nous apprend qu'en 1830 le peintre Ary Scheffer fait construire un hôtel particulier dans le quartier dit de la « Nouvelle Athènes ». Ce quartier est connu pour avoir abrité toute une génération d'artistes comme Théodore Géricault, Georges Sand ou Frédéric Chopin. Lorsque Ary Scheffer demande à l'entrepreneur Wormser de lui construire un atelier-maison avec jardin, le peintre de style romantique est déjà un artiste reconnu.

Atelier
C'est dans son atelier, nous dit le site du musée de la Vie Romantique, qu'Ary Scheffer reçoit l'élite intellectuelle et artistique parisienne, notamment Eugène Delacroix — qui habite aussi le quartier — Marie d'Agoult, Tourgueniev, Dickens... Ici, le pavillon-maison se trouve face à l'atelier permettant ainsi la présence d'une cour pavée fleurie qui confère une ambiance particulièrement bucolique à ce lieu.
L'atelier d'Ary Scheffer est un exemple d'atelier d'artiste devenu musée à Paris. Pour information, l'ambition du musée de la Vie Romantique est de regrouper, outre des tableaux du maître, des objets ayant appartenu à Georges Sand et Ernest Renan.

Musée Gustave Moreau, 14 rue de la Rochefoucault, IXème arrondissement

Façade du musée Gustave Moreau
Selon l'ouvrage Ateliers d'artistes à Paris de Jean-Claude Delorme et d'Anne-Marie Dubois, la famille de Gustave Moreau achète la propriété du 14 rue de la Rochefoucault en 1852. Le peintre décide d'y installer son atelier. Tout comme l'atelier d'Ary Scheffer, celui de Gustave Moreau attire des artistes tels que Suzanne Valadon, Tristan Tzara ou André Breton.
La façade richement décorée de trois étages est de style classique. Au 1er étage, on devine l'atelier avec ses deux larges fenêtres en hauteur pourvues de colonnes doriques. Au 2ème étage, deux fenêtres couronnées d'un fronton typiquement grec entourent une niche qui aurait pu abriter une sculpture aujourd'hui disparue. Cet étage se distingue par la présence de brique rose.

Escalier de l'atelier de Gustave Moreau
Gustave Moreau a demandé notamment à l'architecte Albert Lafon de lui construire son atelier-maison dont l'escalier en colimaçon (photo ci-dessus) menant au 3ème étage.
Selon le site du musée Gustave Moreau, le rez-de-chaussée est consacré à l'appartement du peintre. Quant aux 2ème et 3ème étages, ils servent manifestement d'atelier.

5 place Pigalle

Façade du 5 place Pigalle

La place Pigalle — et ses alentours — est bien connue pour avoir abrité des ateliers artistes dont celui de Puvis de Chavannes sis au n°5 (photo ci-dessus) selon Ateliers d'artistes à Paris de Jean-Claude Delorme et d'Anne-Marie Dubois ; ou bien celui de Frédéric Hugo d'Alesi selon Jacques Hillairet. La façade est beaucoup moins sophistiquée que celles vues précédemment ; elle est cependant typique des ateliers d'artistes modestes parisiens.

VIème arrondissement : ateliers de la Rive Gauche

Musée Delacroix, 6 rue Furstemberg

Atelier d'Eugène Delacroix

Autre exemple d'atelier-musée, la dernière demeure d'Eugène Delacroix est un immeuble en pierre de taille pourvue d'un jardin et d'un lieu dédié à la peinture.
Selon l'ouvrage d'Hélène Rochette, Maisons d'écrivains et d'artistes. Paris et ses alentours, le peintre Eugène Delacroix travaille à la fin des années 1840 au décor de la chapelle des Saints-Anges à l'église Saint-Sulpice. Un peu malade, il commence à ne plus supporter le trajet du quartier de la Nouvelle Athènes jusqu'à Saint-Sulpice. C'est alors qu'en 1857 le peintre s'installe à quelques pas de l'église.
Son atelier (photo ci-dessus) est orienté sud et se situe sur le terrain d'une ancienne abbaye. Le lieu est propice au calme. « La vue de mon petit jardin et l'aspect riant de mon atelier me causent toujours un sentiment de plaisir » écrit le peintre romantique dans son journal de 1857 (source : documentation du musée Eugène Delacroix).

Détail de la façade

La façade contient de larges fenêtres et est pourvue de moulages. Sous la grande fenêtre centrale, on distingue une frise représentant les neuf muses de la mythologie.
Après la visite du musée, vous pouvez prolonger le plaisir en admirant les œuvres d'Eugène Delacroix à l’église Saint-Sulpice à quelques rues de là.

Rue Notre-Dame-Des-Champs

70 rue Notre-Dame-Des-Champs

La « rue des artistes » du VIème arrondissement est la rue Notre-Dame-Des-Champs. Cette rue a hébergé de nombreux artistes de style académique au XIXème siècle dont Charles Gleyre, Jean-Léon Gérôme ou Paul Baudry...
86 rue Notre-Dame-Des-Champs

Le n°86 (photo ci-dessus) a hébergé d'autres types d'artistes (moins académiques que les précédents) tels que James Whistler ou Fernand Léger.
117 rue Notre-Dame-Des-Champs

L'ensemble d'ateliers que l'on voit sur la photo ci-dessus a abrité de nombreuses femmes artistes telles que Camille Claudel, Eugénie Salanson, Jessie Lipscomb selon Wikipedia.

Ce type d'atelier est typique des ateliers d'artistes de la capitale du XIXème siècle : un immeuble en forme de barre couvert entièrement de fines fenêtres longilignes.

Autres adresses du quartier

22 rue Monsieur-le-Prince

Dans le même quartier, non loin de l'univers d'Eugène Delacroix et des peintres académiques, le n°22 de la rue Monsieur-le-Prince abrite l'atelier d'un certain Antonio de La Gandara. Cet atelier est situé en plein cœur d'une cour, lieu propice au calme.

6 rue Jules Chaplain

Pour finir sur ce quartier très académique, l'atelier de la rue Jules Chaplain abrite des artistes dont Auguste Allongé entre autres. Ici, la fenêtre qui procure la lumière à l'artiste se situe non pas en façade mais sur le côté. La façade est surmontée d'un mascaron à tête de chien (visible en s'approchant de plus près), gardien des lieux.

Il existe d'autres adresses dans le VIème arrondissement et vous pouvez prolonger votre balade rues de Bréa ou de la Grande Chaumière.

VIIème arrondissement : un écrin d'artistes

27 rue de Bellechasse

Non loin du VIème arrondissement, il existe quelques rares adresses dans le VIIème arrondissement qui ont abrité des artistes.

Au n°27 de la très chic rue de Bellechasse, on y croise une façade datant de 1865 qui aurait accueilli Gustave Doré.
Cette façade représente un temple grec de style dorique. En son centre trône une tête de femme couronnée. Au-dessus de cette tête, on distingue les initiales « GD » qui correspondent à celles du graveur Gustave Doré. À gauche et à droite de la sculpture centrale, on aperçoit des personnages vêtus à l'antique.
7 rue Paul-Louis Courrier

À quelques pas de la rue de Bellechasse, vous croiserez un immeuble plutôt atypique. Le peintre néo-classique, Jean-Auguste-Dominique Ingres y aurait eu son atelier de 1827 à 1829 selon le Dictionnaire historique des rues de Paris de Jacques Hillairet.

Selon la galerie Perpitch & Bringand qui occupe ce lieu de nos jours, il s'agirait d'une ancienne chapelle sous l'Ancien régime. Ce qui expliquerait son toit de forme arrondie, forme plutôt inhabituelle pour un atelier d'artiste.
Au premier étage, on distingue une grande fenêtre. Au-dessus, on remarque la présence d'un décor végétal.
Détail du 7 rue Paul-Louis Courrier

Sur le mur de droite qui donne sur l'impasse Paul-Louis Courier, on remarque une frise représentant des personnages vêtus à l'antique. Le côté gauche n'est quant à lui pas accessible.

11 rue Saint-Simon

Pour finir sur ce micro-quartier d'artistes, on trouve rue Saint-Simon quelques ateliers d'artistes dont celui du n°11 où a travaillé le sculpteur Jean-Marie Bonnassieux.
Cet atelier n'est accessible au public qu'à partir d'une grille d'où l'on aperçoit des fenêtres colorées et une coquette porte d'entrée.

Un siècle d'ateliers d'artistes: 1880-1910: la rive droite à l'honneur

XVIIIème arrondissement : Montmartre et ses artistes

Les impressionnistes sont attirés par le côté village de cette ancienne commune rattachée depuis 1860 à Paris. Berceau des impressionnistes, Montmartre va attirer les peintres impressionnistes qui préfèrent peindre en plein air — ce qui est nouveau à l'époque. Néanmoins, de nombreux ateliers d'artistes sont s'implanter dans le quartier.

Musée de Montmartre, 12 rue Cortot

Si vous voulez tout connaître sur l'histoire de Montmartre, il est intéressant d'aller faire un tour dans son musée avant de préparer votre balade autour des impressionnistes. Le musée narre autour de tableaux et de dessins, toute l'histoire du village devenu « quartier parisien » en 1860. Vous trouverez également à travers des toiles de Toulouse-Lautrec ou de Steinlen, les cabarets emblématiques du quartier et autres lieux de plaisirs que regorge Montmartre au XIXème siècle.
Pour cette partie, je me suis essentiellement informée à partir de la documentation du musée.
Le musée se compose de pavillons, d'un jardin baptisé « jardin Renoir » — du fait de l'existence de la balançoire du peintre Auguste Renoir —, des fameuses vignes de Montmartre (photos ci-dessous) et de l'atelier de Suzanne Valadon et de son fils Maurice Utrillo.
Balançoire et atelier d'artiste en second plan

Le peintre Auguste Renoir peint en 1876, au 12 rue Cortot le Bal du Moulin de la Galette et surtout La Balançoire que l'on distingue au centre sur la photo.
Vignes du Clos Montmartre
Depuis son jardin, le musée offre une belle vue de ses vignes et des constructions aux alentours.
Atelier de Suzanne Valadon et Maurice Utrillo reconstitué
Outre Auguste Renoir, de nombreux artistes ont séjourné à cette charmante adresse parmi lesquels Raoul Duffy, Francisque Poulbot, Émile Bernard mais c'est surtout le trio Valadon-Utrillo-Utter que l'on retiendra. La famille d'artistes aurait habité et travaillé dans ce lieu ; même s'il s'agit d'une reconstitution, le musée a tout mis en œuvre pour recréer l'ambiance de l'atelier-appartement de la fin du XIXème siècle.

Sur la photo, on remarque une fenêtre qui longe la totalité du mur et une partie du plafond.

21 rue Caulaincourt

21 rue Caulaincourt
A l'angle du 21 rue Caulaincourt et du 5 rue Tourlaque vous croiserez l'atelier d'artiste qu'aurait loué Henri de Toulouse-Lautrec entre 1886 et 1897 et qu'aurait récupéré Steinlen, nous disent Gérard et Julie Conton dans Henri de Toulouse-Lautrec ou les labyrinthes du temps, Art et Géométrie Temporelle (2015). L'immeuble de brique marron possède une unique fenêtre située modestement au deuxième étage. Sous les combles, une large fenêtre nous suggère l'existence d'un deuxième atelier artiste.

22 rue Tourlaque, Cité des Fusains

Cité des Fusains
À deux pas de l'atelier de la rue Caulaincourt se trouve la cité dite « des Fusains » tel qu'il est inscrit sur la façade. Selon l'ouvrage de Jean-Claude Delorme et d'Anne-Marie Dubois, Ateliers d'artistes à Paris, ce lieu serait un lieu dédié à l'art puisqu'en 1879 on décide de détruire une partie du cimetière de Montmartre pour y construire des ateliers. À cette époque, des troènes et des fusains dominent le paysage, ce qui expliquerait le nom de la cité. Il faut imaginer derrière cette façade une cour avec ses ateliers conçus en bois — matière peu onéreuse — et qui viendraient des pavillons de l'Exposition universelle de 1889. Cette cité aurait accueilli Auguste Renoir, André Derain. Le site Wikipedia évoque la présence d'autres noms tels que Pierre Bonnard, Hans Arp ou Sophie Taeuber-Arp.

55 rue des Abbesses

55 rue des Abbesses
Autre exemple d'atelier d'artiste en plein cœur de Montmartre, celui de la rue des Abbesses. Selon la documentation de la ville de Paris, l'architecte Alfred Besnard aurait construit cet immeuble entièrement consacré aux artistes en 1896. L'immeuble dans toute sa hauteur semble être pris en sandwich entre deux immeubles d'habitations. La façade est constituée de briques. Le deuxième étage possède des décorations en fer forgé matière très en vogue depuis la construction de la Tour Eiffel.

13 place Émile Goudeau : le Bateau Lavoir

Vitrine du Bateau Lavoir

Difficile d'imaginer qu'autrefois, une guinguette puis une ribambelle d'ateliers en bois figuraient sur cette place aujourd'hui très fréquentée par les touristes ! En 1970, un incendie endommage les ateliers. Certains seront reconstruits nous précise la base Mérimée...
Dans son Dictionnaire historique des rues de Paris, Jacques Hillairet nous explique l'origine du nom « Bateau-Lavoir » : le bateau serait dû à l'agencement des ateliers qui pouvait faire penser à des paquebots. Quant à « Lavoir », ce mot ferait référence au seul point d'eau qu'utilisaient tous ses locataires.
Ce lieu mythique aurait accueilli Auguste Renoir où il y aurait peint Danse à la ville et Danse à la campagne ; Max Jacob en 1902 et Picasso (1904 -1912 selon Wikipedia) entre autres !
L'historien des rues de Paris ajoute que le cubisme y serait né.

La plaine Monceau

Alors que les impressionnistes et cubistes fréquentent Montmartre pour profiter de l'aspect champêtre du lieu, des artistes plus officiels (et plus fortunés) fréquentent essentiellement la plaine Monceau dans les années 1880-1890. Autrement dit, le XVIIème arrondissement attire les artistes qui en ont les moyens. Toutefois, d'autres ateliers plus modestes vont essaimer à la périphérie de cet arrondissement. Malgré tout ces ateliers ne manquent pas de charme !

Ateliers du « beau XVIIème »

95 boulevard Pereire

95 boulevard Pereire
Cette façade attire l’œil du promeneur parisien avec ses lignes de briques rouges et son architecture sophistiquée. On parle ici de style « pseudo-hollandais » notamment avec sa porte au décor « en escalier ».

Porte du 95 boulevard Pereire
Ici, l'atelier d'artiste se trouve au dernier étage de l'immeuble ce qui lui permet de bénéficier d'une très belle lumière. Il faut vous informer, chers lecteurs que nous sommes juste en face de l'ancien chemin de fer de la « ceinture du XVIIème arrondissement » bordé d'arbres et que derrière, à la fin du XIXème siècle, la vue n'était pas bétonnée telle qu'elle est aujourd’hui. Je vous laisse imaginer un décor plus naturel...

La grande verrière a été construite sur un toit de briques noires avec des ornementations comme des têtes grotesques par exemple. Selon le livre Ateliers d'artistes à Paris de Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois, l'immeuble serait l'œuvre de Jean Brisson de 1883. Ce type d'architecture est très rare à Paris.

Rue Ampère

61 rue Ampère
Nous sommes encore dans les quartiers chics du XVIIème arrondissement, en particulier rue Ampère qui est très prisée des artistes. Le numéro 61 — photo ci-dessus — illustre un exemple d'atelier d'artiste. L'atelier figure au dernier étage avec une décoration en fer forgé de « style 1900 » notamment avec sa frise de croix de Saint-André. Toujours selon l'œuvre Ateliers d'artistes à Paris, cet immeuble aurait été construit en 1881 par l'architecte Stephen Sauvestre, proche de Gustave Eiffel. On remarque la présence d'un petit balcon couvert qui donne du relief à cette façade de style néo-médiéval — à la mode au XIXème siècle notamment sous l'influence de Viollet-le-Duc.

Porte du n°61 de la rue Ampère

Cet atelier d'artiste aurait été occupé par un certain François Flameng en 1908 déjà connu pour avoir illustré des billets de banque ou les panneaux du Train Bleu de la gare de Lyon ajoute le site Wikipedia.

89-91-93 rue Ampère
En parcourant la rue Ampère, vous croiserez d'autres ateliers d'artistes aux façades parfois surprenantes.

Rue Fortuny

Façade du 42 rue Fortuny
Autre rue emblématique des ateliers d'artistes des beaux quartiers du XVIIème arrondissement : la rue Fortuny.
Intéresserons-nous plus particulièrement au n°42. D'après Ateliers d'artistes à Paris, il s'agirait d'une œuvre d'Alfred Boland érigée en 1890 pour le maître-verrier Joseph Ponsin. La façade est de style néo-renaissance puisqu'on remarque la présence de têtes de faunes, de masques grimaçants et de femmes vêtues à l'antique portant des fruits. Du sol au plafond, toute la façade est richement décorée : la fenêtre au-dessus de la porte d'entrée; une frise dorée au-dessus de la fenêtre du premier étage et enfin un portrait sous la mansarde.

Détail de la façade scupltée

Sur cette façade, on constate bel et bien des grandes fenêtres qui peuvent laisser penser que des ateliers d'artistes se trouvaient à chaque étage. En fait, pas du tout car selon la documentation de la Ville de Paris, il n'y avait qu'un seul atelier au premier étage. Quant au rez-de-chaussée, il aurait servi de lieu d'exposition ; les autres étages servant de lieu d'habitation.

Autres adresses


10 rue Saint-Sénoch
Entre le très chic XVIIème arrondissement avec ses artistes reconnus parfois mondains et les artistes moins académiques relégués à la périphérie de Paris, on trouve quelques ateliers qui peuvent surprendre les passants, dont ceux de la rue Saint-Sénoch qui a abrité des artistes au début du XXème siècle (photo ci-dessus) ou bien des cités d'artistes telles que celle du 4-6 rue Aumont-Thiéville (photo ci-dessous).

4-6, rue Aumont-Thiéville
Ces ateliers d'artistes nous surprennent d'abord par sa couleur : le rose est rare à Paris ! Ce groupement d’ateliers d'artistes serait l'œuvre de Gustave Eiffel — pour la structure métallique — érigé en 1884, selon le livre de Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois, Ateliers d'artistes à Paris. D'après la documentation de la Ville de Paris, Gustave Eiffel avait pour volonté de construire une série d'ateliers, dans des délais très courts et à moindre frais.

Le boulevard Berthier


45 boulevard Berthier

Comment évoquer les ateliers d'artistes du XVIIème arrondissement sans aborder le boulevard Berthier? Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois dans leur œuvre Ateliers d'artistes à Paris citent pas moins d'une vingtaine d'ateliers d'artistes à la fin du XIXème siècle entre la Porte de Champerret et la Porte d'Asnières. Tous les ateliers figurent aux numéros impairs car en face il y a la campagne en 1880 ! C'est seulement à partir des années 1930 que l'on construit des logements — dans l'esprit Art déco — avant d'ajouter des immeubles en béton autour du boulevard périphérique dans la seconde moitié du XXème siècle. Il faut donc imaginer qu'à la fin du XIXème-début du XXème siècle, les artistes du boulevard Berthier pouvaient peindre la nature depuis leur fenêtre.
47 boulevard Berthier


Ces ateliers sont souvent construits en brique, ont des façades colorées et et n'ont que deux ou trois étages.

29 (1889) et 31 boulevard Berthier (1882)

Parmi les artistes qui ont connu ces ateliers, on peut parler de John Singer Sargent au numéro 45 ou le peintre académique Pierre-Carrier-Belleuse au numéro 31(photo ci-dessus).
Intéressons-nous au numéro 51 du boulevard Berthier :

Maison Dumas depuis le 51 boulevard Berthier
La particularité du numéro 51 du boulevard Berthier réside dans le fait que la demeure se trouve aussi bien sur le boulevard Berthier qu'au niveau de la rue Eugène Flachat. Il s'agit ici de la « maison Dumas », du nom de son occupant. Selon la documentation de la Ville de Pairs, la partie située sur le boulevard Berthier correspondrait aux pièces consacrées au travail et à la salle à manger (au niveau des balcons). On remarque la présence d'une fenêtre verrière au dernier étage. On doit cet immeuble à l'architecte Paul Sédille construit en 1892. Le rez-de-chaussée a été construit en pierre, une large partie est pourvue de briques vertes vernissées en son centre deux balcons richement décorés donnent du relief à l'édifice. Les peintures des balcons représentent des fleurs de tournesol, des iris et du muguet.
Détail de la mosaïque
Sous le balcon, on distingue une mosaïque au thème floral.
Maison Dumas vue depuis le 32 rue Eugène Flachat
L'entrée de cet atelier se trouve au numéro 32 de la rue Eugène Flachat. Cette rue est un peu plus au calme par rapport au boulevard. On y trouve les pièces de la vie courante comme le vestibule ou la cuisine.
Tout comme sur le boulevard, le vert domine la façade. La porte d'entrée est pourvue d'un fronton de type gréco-romain avec deux têtes de lion à chaque extrémité.

Fenêtre de la façade du n°32 rue Eugène Flachat
Le thème floral est également présent sur la façade puisque l'on distingue des iris dans la mosaïque au-dessus de la fenêtre (photo ci-dessus) et une frise de fleurs blanches au-dessus des trois fenêtres du dernier étage (photo ci-dessous).

Détail de la Maison Dumas
Quant aux citrons, ils sont également entourés de petites fleurs blanches.

Sculpture de la façade du n°32 rue Eugène Flachat
Enfin, au centre figure une sculpture représentant une femme nue assise avec un ange sur son dos. Ces deux personnages sont accompagnés d'un volatile.

Autour de 1900

17 rue Lauriston
À l'aube du XXème siècle, quelques artistes vont s'installer dans trois arrondissements : le XVIème, le XIVème et le XVème. C'est essentiellement dans ces arrondissements que vont apparaître, lors des décennies suivantes, les ateliers de la modernité que nous verrons un peu plus tard.

XVIème arrondissement

Dans le XVIème arrondissement, des ateliers vont être construits rue Lauriston dont celui du numéro 17 (photo ci-dessus).

Le peintre Félix Borchardt habite cet hôtel particulier conçu par l'architecte Charles Plumet en 1908.
La façade semble austère mais est radoucie par l'arrondi des fenêtres qui nous fait penser à l'art nouveau en vogue à ce moment là.

21 rue Octave Feuillet

XIVème arrondissement

83 rue de la Tombe-Issoire
Le XIVème arrondissement attire également les artistes. Selon la documentation de la Ville de Paris, des artistes se regroupent au 83 rue de la Tombe-Issoire. Une partie de ces ateliers (l'étage supérieur) serait consacrée au logement. Ce lotissement aurait été conçu en 1901 par l'architecte par Gustave Poirier qui construit également l’immeuble situé à cette adresse.

18-20 rue Ernest Cresson

Dans la très discrète rue Ernest Cresson vous croiserez un atelier d'artiste. Conçu en 1903, cet immeuble cossu est un immeuble haussmannien assez quelconque avec une petite sculpture représentant une joueuse de lyre. Au dernier étage figure une verrière emboîtée dans une façade en briques beige. La grande fenêtre est pourvue d'un balconnet arrondi qui contraste avec la géométrie de la fenêtre. Le site Wikipedia évoque la présence du peintre Gino Severini en 1918 mais cette information reste à confirmer.

XVème arrondissement

Porte d'entrée de la Ruche

La Ruche

Au 2 passage Dantzig, vous aurez peut-être la chance de visiter une cité d'artiste inaugurée en 1902 par le sculpteur Alfred Boucher. En forme de pagode octogonale de trois étages issue d'anciens pavillons des expositions universelles de 1900 rachetées par un mécène, cette cité est conçue en brique avec des matériaux de Gustave Eiffel pour la partie métallique . Deux cariatides — elles-même issues du pavillon des femmes d'Indonésie — décorent la porte d'entrée nous précise le site officiel. Le but à l'époque est d'abriter les artistes de condition modeste.

Autour du pavillon


Selon l'ouvrage Ateliers d'artistes à Paris, elle doit son nom au fait que les abeilles se regroupent lorsqu'elles sont en plein travail. Dès son ouverture, la Ruche attire de nombreux artistes, dont Fernand Léger, Chaïm Soutine, Zadkine, Marc Chagall, Jacques Chapiro, Jacques Lipchitz... Très vite, la Ruche devient une sorte de Bateau-Lavoir de la rive droite. Pourtant, dans les années 1920 le lieu est petit à petit délaissé, seuls des artistes issus de l'immigration des pays de l'Est occupent encore les lieux. Ce n'est qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sous l'impulsion de Paul Rebeyrolle que la cité est petit à petit reconstituée et poursuit son activité de nos jours.

Chemin octogonal
Aujourd'hui, la Ruche est classée monument historique selon la base Mérimée.

Autour de Montparnasse

9 rue Falguière, XVème arrondissement


9 rue Falguière

Autre adresse connue dans le XVème arrondissement, celle du numéro 9 de la rue Falguière. Cité d'artiste appelée également Villa Gabriel selon l'ouvrage de Jean-Claude Delorme et d'Anne-Marie Dubois, Atelier d'artistes à Paris.




Autre façade de la cité
Cette cité d'artistes est constituée de plusieurs pavillons essentiellement conçus en brique rouge. Chaque étage est occupé par une verrière. Il s'agit d'un exemple d'ateliers d'artistes situés derrière le quartier de la gare Montparnasse qui a attiré pléthore d'artistes au détriment de Montmartre dès les années 1900 notamment Modigliani, Foujita ou Soutine.

Villa Marie-Vassilief

Ateliers du 21 avenue du Maine
Au 21 avenue du Maine dans le XVème arrondissement, une cité d'artistes voit le jour. Selon Wikipedia, les ateliers ont eux aussi été construits à partir des pavillons de l'exposition universelle de 1900. Autrement dit, des ateliers construits à la va-vite conçus pour des artistes de condition modeste.
Marie Vassilieff, artiste peintre y occupe un atelier dès 1912 pour y créer une « Académie » où de nombreux artistes se réunissent (Modigliani, Fernand Léger, Max Jacob...). Au fil du temps, le lieu connaît de grands changements : cantine pendant la Première Guerre mondiale, musée du Montparnasse avant de devenir à nouveau un lieu d'exposition et de travail pour les artistes contemporains.


21 avenue du Maine
Loin de la circulation très bruyante de l'avenue du Maine, cet ancien chemin particulièrement fleuri se termine par une impasse et offre aux artistes le calme indispensable pour créer.

240-242 boulevard Raspail, XIVème arrondissement

240-242 boulevard Raspail, XIVème arrondissement
Derrière cette façade de briques beiges et cette large fenêtre, se cache dans une cour, une série d'ateliers d'artistes.

Détail d'une façade dans la cour du 240-242 boulevard Raspail
Une série d'ateliers sous forme de maisons à colombages et de grandes fenêtres borde une cour au calme.

Façade à droite de la cour


Olivier Renault dans son ouvrage Montparnasse, les lieux de légende nomme ce lieu « cité Nicolas Poussin ». Selon l'auteur, Picasso y aurait séjourné en 1912.
Cet ensemble d'atelier d'artistes témoigne d'une grande activité artistique dans le quartier autour des années 1900.

26 rue Vavin, VIème arrondissement

26-28 rue Vavin, VIème arrondissement
Pour finir sur les ateliers d'artistes autour de 1900, je ne pouvais pas faire l'impasse du 26 rue Vavin dans le VIème arrondissement.
L'immeuble est composé d'une façade à gradins pourvue de faïence à dominante blanche et tachetée de bleu.
On doit cette œuvre à Henri Sauvage en 1912. Nous sommes aux balbutiements de l'Art déco.

Détail de la façade
Il est difficile de savoir combien d'artistes y ont séjourné — l'architecte Frantz Jourdain y avait son cabinet de travail — mais on remarque que fenêtres sont particulièrement larges.
Selon Jean-Claude Delorme et Anne-Marie Dubois dans leur ouvrage Ateliers d'artistes à Paris, on évoque une volonté de la part de l'artiste de permettre à chaque résident d'occuper une parcelle de terrasse en plein Paris.
Avec sa faïence qui fait penser au style métro et ses gradins, Henri Sauvage contraste totalement avec le style haussmannien. Si la façade aux gradins n'a pas été un grand succès (vous pouvez aller faire un tour ou vous baigner à la piscine des Amiraux dans le XVIIIème arrondissement), cet immeuble est précurseur d'une modernité qui va s'imposer les années à venir.