dimanche 2 février 2020

2. Pastiches et anachronismes au XIXe siècle : le règne du néo-renaissance

28, place Saint-Georges, IXème arrondissement
La Renaissance naît en Italie au début du XVème siècle. On met en avant la nature, la beauté et on puise son inspiration dans l'architecture grecque et romaine. On ajoute des médaillons et des sculptures. Le style néo-renaissance va reprendre ces caractéristiques avec de nouveaux matériaux. Ce style va s'exprimer surtout à Paris avec des architectes tels que Théodore Ballu, Pierre-Charles Dussillon ou Édouard Deperthes entre autres.

Dès les années 1830

Façade du 28, place Saint-Georges, IXème arrondissement
Au 28, place Saint-Georges (photo ci-dessus) vous trouverez un exemple de style néo-renaissance. Selon l'ouvrage d'Hélène Hatte et Frédéric Tran, Paris. 300 façades pour les curieux, cet édifice aurait été conçu par l'architecte Édouard Renaud en 1836. Le panneau de la ville de Paris indique l'année 1840.

Détail d'une fenêtre
Renaud fait appel à des sculpteurs tels que Garraud et Desboeufs pour orner la façade. Aucun étage n'est épargné. Chaque fenêtre possède son ornementation. Sur la photo ci-dessus, on remarque les colonnes torsadées isolées de la façade. En dessous, deux portraits de trois-quarts apparaissent. Cette manière de représenter les portraits est typique du style néo-renaissance.

Détail du premier étage
Au-dessus de la porte d'entrée, on observe une fenêtre en serlienne encadrée par deux magnifiques sculptures féminines très fines. Le personnage de gauche tient une corne d'abondance, quant à celui de droite, il porte une sorte de paquet, un bouclier est posé au sol et une chouette se tient à ses pieds, peut-être une allusion à la déesse Athéna. Autour de ces deux figures féminines auréolées d'un coquillage, de petits angelots sculptés décorent une frise entre les fenêtres. Enfin, des animaux apparaissent au-dessus de ces sculptures.

En bas de la photo, on remarque des portraits de profils. Peut-être s'agit-il d'un portrait de son propriétaire, le marquis Albino Francisco de Araujo de Païva ? Selon le dictionnaire de Jacques Hillairet, en 1851 ce marquis aurait offert l'hôtel particulier à sa nouvelle épouse, Esther Lachmann demi-mondaine plus connue sous le nom de la Païva en 1851. Toutefois, la Païva n'y a pas habité longtemps car elle s'est fait construire un autre hôtel en 1852 situé au 25, avenue des Champs-Elysées (que je vous recommande de voir si les travaux de ravalement sont terminés).

Fenêtre de gauche
À gauche de la fenêtre principale, on remarque la présence d'un personnage ailé. Celui-ci est représenté avec une petite colonne et une équerre. Nous pouvons en déduire qu'il s'agit de la représentation d'un architecte.

Détail de la fenêtre de droite
À droite, on voit un autre personnage ailé tenant une tête sculptée qui pourrait nous faire penser à un sculpteur.

33-35, rue Richer, IXème arrondissement
Autre exemple d'architecture néo-renaissance de cette époque, la galerie Richer, ancien passage couvert.
Les passages couverts ont essaimé à Paris tout au long de la première moitié du XIXème siècle comme on a déjà pu le voir dans le blog. Une bonne partie de ces passages ont tiré le rideau dès le Second Empire puis au XXème siècle. La galerie Richer est l'exemple visible d'un passage couvert aujourd'hui disparu. La photo a été prise au niveau du numéro 35 de la rue Richer. En contournant la rue, vous tomberez sur la rue Geoffroy-Marie (photo ci-dessous).

Façade du 11bis, rue Geoffroy-Marie, IXème arrondissement
Sur cette façade, on remarque des décorations autour des fenêtres notamment des pilastres ioniques au niveau des trois étages. Les fenêtres latérales sont dotés d'un fronton qui font penser aux temples grecs. Le premier étage est pourvu d'une balustrade en fonte selon le Plan Local de l'Urbanisme (PLU).

Toujours selon le PLU, cet édifice daterait de 1840 et serait l'œuvre d'un certain Mauffra qui aurait également conçu le passage couvert pour une enseigne nommée « la Boule Rouge ». Selon le dictionnaire de Jacques Hillairet, ce passage a été fermé en 1927.

Porte du 33, rue Richer, IXème arrondissement
La porte du numéro 33 de la rue Richer est amplement décorée : chaque vantail est sculpté. Nous remarquons la présence deux tout petits mascarons au centre de chaque vantail. Ces personnages sont coiffés à la mode de la Renaissance. Cette caractéristique va se répandre dans le style néo-renaissance.

Un contexte romantique

14, rue Vaneau, VIIème arrondissement
Le XIXème siècle est le siècle du romantisme. Le néo-renaissance, puis le néo-gothique vont s'exprimer dans ce contexte. C'est le cas de l'hôtel conçu par Pierre-Charles Dussillon au 14, rue Vaneau dans le VIIème arrondissement. Selon Gilles Plum, lors de sa conférence intitulée « La rue et ses façades : l’ornementation est-elle un crime ? » l'édifice serait le premier hôtel néo-renaissance de Paris.
L'hôtel particulier a été édifié en 1835. Ce qui nous frappe lorsque l'on observe cette construction dans ce paisible quartier est l'abondance des sculptures réalisées par un certain Dominique Molchnedt comme indiqué sur la façade.

Médaillon de Philibert Delorme
Intéressons-nous au médaillon vu de profil juste au-dessus de la porte d'entrée. Il est indiqué « Philibert Delorme », soit une grande figure de l'architecture de la Renaissance française.

Sculpture située au premier étage
Tout au long du premier étage, on trouve des figures de la mythologie, telle que Diane ou Artémis, déesse de la chasse et de la nature. En effet, le personnage féminin s'appuie sur un arc et un chien de chasse se tient auprès d'elle.

Sculpture située au premier étage
On trouve d'autres figures classiques comme cette muse qui tient une lyre.

Sculpture située au premier étage
La sculpture ci-dessus représente un personnage qui semble danser.

À travers ce type de sculptures, on peut y déceler une certaine délectation qui s'exprime sur cette façade. C'est typique de l'ambiance du style néo-renaissance. Gilles Plum dans sa conférence parle de « style troubadour ». C'est-à-dire qu'on idéalise la période Renaissance avec des personnages qui évoquent une époque plus insouciante.

Détail sculpté de la porte
Toute la façade possède des sculptures y compris sur la porte d'entrée comme on peut le voir dans la photo ci-dessus.

Sculpture animalière
Sur la façade, on trouve également des figures animalières comme le chien dans la photo ci-dessus ou bien ce sanglier ci-dessous, animaux associés à la chasse.

Sculpture animalière
Pour finir sur la façade du 14, rue Vaneau, intéressons-nous à son toit.

Détail du toit
Le toit en ardoise avec ses fenêtres ovales tel que l'on pouvait le faire au XVIIème siècle présente des fenêtres somptueusement décorées notamment avec des colonnettes. On observe également de tous petits portraits.

Pierre-Charles Dussillon nous offre, à travers la façade de la rue Vaneau, une ode à la Renaissance et un hommage à Philibert Delorme.

Les caractéristiques du style néo-renaissance

3, rue Le Goff, Vème arrondissement

Les matériaux

Au XIXème siècle, de nouveaux matériaux vont apparaître et se mettre au service de l'architecture. La pierre de taille ou la fonte vont se retrouver sur les façades parisiennes. Selon Jean-Marc Larbodière dans son ouvrage, Les hôtels particuliers parisiens, on sait qu'un immeuble n'est ni du Moyen-Âge ni de la Renaissance à partir du moment où l'on constate l'utilisation de ces matériaux inédits.

Fenêtre à meneaux du 3, rue Le Goff

Malgré la présence de fenêtres à meneaux (photo ci-dessus) qui peut faire allusion au Moyen-Âge, on voit bien sur la façade du 3, rue Le Goff que des fenêtres sont pourvues de balustrades et que les briques sont plus récentes.

Fenêtre entourée de briques rouges

L'immeuble du 3, rue Le Goff est incontestablement un immeuble de la fin du XIXème siècle. Sur la façade il est indiqué qu'un certain Pasquier a construit cet édifice en 1891. De plus, la mention « GAZ à tous les étages » illustre les prouesses technologiques de la fin du XIXème siècle.

Détail de la façade du 3, rue Le Goff

Selon le livre Curiosités de Paris. Inventaire insolite des trésors minuscules de Dominique Lesbros, le gaz était autrefois l'apanage des rez-de-chaussées, des halls et autres salles situées dans les cours intérieures. Lorsque l'on a implanté les colonnes montantes, dès les années 1860 tous les étages ont pu bénéficier du gaz. D'où la notion de « GAZ à tous les étages » que l'on voit encore fleurir sur certaines façades parisiennes. Il faut avoir à l'esprit que tous les immeubles n'en étaient pas pourvus, avoir le gaz (puis l'eau courante) était encore considéré comme un luxe. Le fait de l'indiquer sur la façade permet de signaler que l'immeuble est d'un bon standing.

Plus de pilastres

32, rue de Châteaudun, IXème arrondissement
D'après l'œuvre de Jean-Marc Larbodière, les colonnes plutôt guindées ont tendances à disparaître peu à peu au profit des pilastres comme par exemple au 32, rue de Châteaudun dans le IXème arrondissement.

Détail du 32, rue de Châteaudun, IXème arrondissement
Les fenêtres, toujours aussi richement décorées sont souvent entourées de pilastres. Sur la photo ci-dessus, les pilastres sont de type ionique revisité car l'auteur a mis le soin d'ajouter des fruits.

Façade du 12, avenue Hoche, VIIIème arrondissement
Autre exemple, les fenêtres du premier étage du 12, avenue Hoche sont encadrées de pilastres plus ou moins corinthiennes cannelés. Les fenêtres du deuxième étage présentent de plus simples motifs floraux. Selon le Plan Local de l'Urbanisme, ce petit hôtel particulier aurait été un salon littéraire de 1878 à 1910.

Plus de médaillons

7, avenue Velázquez, VIIIème arrondissement
À proximité du parc Monceau se trouve le musée Cernucshi, lieu consacré aux arts asiatiques. Selon le PLU, cet hôtel particulier aurait été construit en 1873 par l'architecte William Bouwens van der Boijen pour Henri Cernuschi. La façade sobre et de couleur blanche présente deux médaillons. À gauche, on reconnaît le portrait de Léonard de Vinci et à droite celui d'Aristote.

Fenêtre avec médaillons
Durant le XIXème siècle et particulièrement dans le style éclectique, les façades arborent des médaillons.

Ornementation extravagante

Façade du 12, rue du Cardinal Mercier, IXème arrondissement
En plein quartier de la Nouvelle Athènes se trouve un magnifique hôtel particulier de style néo-renaissance appelé Hôtel Judic du nom de sa commanditaire Anna Judic comédienne et chanteuse d'opérette de la fin du XIXème siècle. La façade indique sa date de construction : 1883 et son architecte, un certain Jacques Drevet.

Porte de l'hôtel Judic

Ce qui nous frappe d'abord, c'est sa porte de très haute taille qui couvre le rez-de-chaussée et le premier étage. De couleur sombre, la porte présente de nombreux motifs sculptés.

Détail d'un mascaron de l'hôtel Judic
Au-dessus des mascarons, on distingue une fenêtre conçue en vitraux. Selon la base Mérimée, les vitraux de cette façade seraient l'œuvre d'un certain Charles Champigneulle. La fenêtre présente une balustrade en fer. Ce type de fenêtre est extrêmement rare à Paris.

Quant aux sculptures, la façade indique le nom de Georges Trugard. Les mascarons grotesques sur la porte avec leur effet comique nous rappellent l'univers du théâtre.

Sculpture au-dessus de la porte
Au-dessus de la porte, on distingue des chérubins qui semblent jouer de la musique.

Fenêtre du deuxième étage
Autre détail remarquable, la grande fenêtre de cette façade qui s'étale sur deux étages. Selon Wikipedia, le vitrail serait une représentation d'Antoine et Cléopâtre, si vous arrivez à les reconnaître…

La fenêtre est entourée de deux colonnes cannelées d'ordre corinthien revisité. En bas de ces colonnes, on trouve l'inscription « TACE ». Il s'agirait d'une interjection latine faisant référence au silence indiqué dans les didascalies des comédies.

Au-dessus de cette fenêtre, on retrouve la lyre — autre élément faisant référence à l'univers de sa propriétaire. En outre, le balcon de pierre est truffé de lions et sous ce balcon, se trouve un tout petit dragon.

Selon Wikipedia, Anna Judic aurait participé à la conception de son hôtel particulier. Ce qui est remarquable dans cette façade est l'ensemble des références au théâtre et à la musique dans cette impasse discrète du quartier de la Nouvelle Athènes.

Mascarons et statuettes en abondance

2-4, rue Rambuteau, IIIème arrondissement
Autre caractéristique du style néo-renaissance, la présence des mascarons notamment autour des fenêtres comme on peut le voir au 2 et 4 rue Rambuteau ou bien sur les portes.

Détail du 2-4, rue Rambuteau, IIIème arrondissement
Sur la photo ci-dessus, on peut voir que chaque fenêtre possède ses visages. On peut parler ici de modillons car les visages sculptés soutiennent la fenêtre. Ce que l'on constate sur ces visages, ce sont les coiffes typiques de la Renaissance.

Selon Gilles Plum, dans sa conférence sur l'ornementation, le fait d'encadrer les fenêtres de telle manière permet de donner de la noblesse à celui qui y habite. Ce type d'ornementation notamment autour des fenêtres va subsister jusqu'au Second Empire.

9, place Jussieu, Vème arrondissement
Aux numéros 5, 7 et 9 de la place Jussieu en plein quartier Latin vous croiserez trois façades néo-renaissance couvertes de sculptures. Les trois façades sont dotées de pilastres typiques du style néo-renaissance.

Détail du n°9 de la place Jussieu
Au numéro 9, on remarque la présence d'un seul balcon. Il ne passe pas inaperçu. La fenêtre présente un mascaron dont la tête est couronnée. Cette fenêtre est pourvue d''une tête de chat aux extrémités.

Ce balcon donne une impression de privilège à celui qui y habite. Il faut savoir qu'au XIXème siècle, le deuxième étage était considéré comme l'étage noble parce qu'il abritait souvent une famille plutôt aisée. D'après Wikipedia, l'ascenseur n'existe pas encore, habiter le deuxième étage était révélateur d'un certain statut social. Avec le style haussmannien, cette hiérarchie va s'accentuer.

Détail du n°7
On constate une abondance de sculptures. Tout comme l'hôtel de la place Saint-Georges, des sculptures ornent les fenêtres. Au numéro 7, dans la photo ci-dessus, on peut voir un personnage à gauche qui tient des instruments de sculpteurs et à droite on reconnaît l'architecte avec son équerre et son compas.

Détail du n°7, place Jussieu
Gilles Plum dans sa conférence parle de la mode romantique à travers ce type d'ornementation. On peut parler ici également de style troubadour.

Le PLU date cette œuvre de Vigreux et Totrain de 1842. Le sculpteur, Adolphe-Paul Giraud a voulu transposer l'ambiance romantique du quartier de la Nouvelle Athènes dans le quartier Latin. L'idée de sculpter des visages couronnés nous montre que l'on veut mettre en valeur la royauté à l'époque du roi Louis Philippe.

8, rue Fortuny, XVIIème arrondissement
Dans la très chic rue Fortuny dans le XVIIème arrondissement, vous trouverez une belle façade néo-renaissance.

Cet immeuble aurait été construit pour une certaine Emilie Streich en 1882 selon le PLU. La façade se compose d'un rez-de-chaussée pourvu d'une porte rouge — qui contraste avec la blancheur de la façade — et de deux étages à colombages, au moins en apparence.

Signature des architectes
La signature sur la façade indique les noms d'Alfred Boland et Auguste Latapy qui auraient également conçus d'autres immeubles de la rue selon le panneau de la Ville de Paris situé au bout de la rue Fortuny.

Statuette du 8, rue Fortuny
Aux extrémités de la porte et des fenêtres du rez-de-chaussée on trouve des statuettes qui arborent un « look Renaissance ».

Détail du 8, rue Fortuny
Les fenêtres des deux étages sont particulièrement fines et sont pourvues d'ornementations : des frises décoratives côtoient des visages situés aux angles des fenêtres.

Le vrai du faux : le pastiche

9, rue de Chanaleilles, VIIème arrondissement
On a vu que l'éclectisme, ici le néo-renaissance s'appuyait sur ce que l'on avait déjà fait aux XVIème-XVIIème siècles pour construire de nouvelles façades.
Il s'agit de voir ici, trois exemples d'immeubles où l'inspiration Renaissance est poussée parfois jusqu'à l'extrême, jusqu'à ne plus savoir si l'on a affaire à un immeuble du XIXème siècle ou à une construction antérieure. On parle parfois de pastiche ou bien d'une belle inspiration pour les façades les plus abouties.

Maison-atelier de Charles Dussillon

Commençons par la maison atelier de Charles Dussillon située au 9-11, rue de Chanaleilles dans le VIIème arrondissement.

Cette façade est l'œuvre de l'architecte Charles Dussillon, l'auteur de l'hôtel situé juste à côté rue Vaneau que nous avons déjà évoqué. Un article de la revue Livraison d'Histoire de l'Architecture consacre un article à l'architecte néo-renaissance, Charles Dussillon.

À cette adresse, vous trouverez au numéro 9, une façade d'un seul étage (photo ci-dessus) et au numéro 11, une construction qui comprend trois étages dont le dernier est consacrée à l'atelier de l'artiste (photo ci-dessous).

11, rue de Chanalleiles, VIIème arrondissement
Selon l'article, l'architecte aurait construit ces édifices pour lui-même au moment du percement de la rue de Chanalleiles, soit dès 1842. L'attrait de l'artiste pour la période Renaissance s'exprime à travers les nombreuses sculptures qui décorent la façade.

Outre la frise qui borde toute la longueur de la façade, on remarque la présence de petites colonnettes sculptées.

Signature de l'artiste
Juste en dessous de l'animal fabuleux — certainement une harpie puisqu'on distingue une poitrine de femme avec des pattes d'oiseau — se trouve la signature de Charles Dussillon (le C et le D superposés).

Autoportrait de l'artiste
Toujours selon l'article consacré à Charles Dussillon, l'auteur de cette façade se serait représenté lui-même (la tête moustachue). Cette hypothèse est corroborée par la présence de l'équerre et du compas, instruments emblématiques de l'architecte.

Détail des sculptures
Sur d'autres colonnettes, on constate la présence de personnages grotesques, des satyres comme le montre la photo ci-dessus ou bien deux dragons sur une autre colonnette telle la photo ci-dessous.

Détail des sculptures
Ces figures grotesques sont typiques du style néo-renaissance, néanmoins, hormis les matériaux « récents » qui nous rappellent que cet édifice date du XIXème siècle, un autre détail nous prouve que le numéro 9 de la rue de Chanaleilles appartient bien au siècle romantique.

Détail des sculptures
Le personnage féminin représenté est assez représentatif d'une femme du XIXème siècle. Selon Gilles Plum, les architectes au XIXème siècle vont avoir tendance à sculpter des femmes de leur époque. Cette tendance va s'accentuer après le Second Empire. Jusqu'à cette époque, on trouvait plutôt des figures mythologiques.

Malgré l'aspect grotesque de certaines de ses sculptures, Charles Dussillon nous offre un style néo-renaissance très fin et personnel.

Hôtel Fieubet

Hôtel Fieubet, 2, quai des Célestins, IVème arrondissement
Autre exemple où le néo-renaissance est plus que mis en avant : l'hôtel Fieubet.

Ce qu'il faut remarquer sur cet édifice situé en bordure du Marais est son aspect inachevé. La partie que l'on voit sur la photo est la seule qui appartient vraiment au XIXème siècle.

Selon Alexandre Gady dans son ouvrage consacré aux hôtels particuliers de Paris, il s'agit au départ d'un édifice construit à la Renaissance puis transformé par Jules Hardouin-Mansart au XVIIème siècle pour Gaspard III de Fieubet, chancelier de la reine Marie-Thérèse. Le lieu se transforme en usine quelque temps. Puis, un certain comte de La Valette achète l'édifice en 1857. Son nouveau propriétaire demande à l'architecte Jules Gros de recomposer l'hôtel particulier en 1860, selon l'Association pour la Sauvegarde et la Mise en valeur du Paris historique dans son ouvrage, À la découverte du Marais.

Les travaux sont à l'arrêt à cause de la guerre de 1870 (et de la ruine de son commanditaire) et ne se poursuivent pas d'où son état inachevé. En 1877, les pères de l'Oratoire achètent le lieu et fondent l'école Massillon.

Détail de la façade, côté quai des Célestins
Ce qui nous frappe est la surabondance des sculptures. Deux sortes de cariatides ornent une porte et deux fenêtres fictives. Au-dessus, on voit des mascarons féminins entourés d'un foisonnement de feuillage. Une tête de lion semble surgir de l'oculus. Enfin, on distingue des sculptures qui représentent des instruments appartenant à la paysannerie (faucille, râteau etc.).

Détail de la façade, côté rue du Petit Musc
Ces sculptures nous font bien penser au style néo-renaissance avec notamment des mascarons représentants des rois de France. Pourtant, ici Jules Gros a fait de l'édifice de Jules Hardouin-Mansart une sorte de décor de théâtre d'esprit baroque. En effet, on peut y voir des fausses briques et des guirlandes qui surchargent la façade.

On peut parler ici de pastiche même si le badaud ne manque pas d'être surpris par cette façade très particulière.

Hôtel Gaillard

Hôtel Gaillard, 1, place du Général Catroux, XVIIème arrondissement
En juin 2019, vous avez peut être entendu parler de l'ouverture d'un nouveau musée à Paris, Citéco un musée consacré à l'économie.

C'est en plein cœur du quartier de la Plaine Monceau que vous croiserez ce bijou de style néo-renaissance. Que l'économie vous rebute ne vous empêchera pas de visiter ce lieu d'exception car le musée a conservé des trésors qui en valent le détour.

Pour cette partie consacrée à l'hôtel Gaillard, je me suis basée essentiellement sur l'œuvre de Marie-Hélène Bazelaire, L'hôtel Gaillard, Cité de l'Économie.

Pourquoi ce chef-d'œuvre se trouve dans ce quartier ?

Le quartier de la Plaine-Monceau intègre la capitale en 1860. Après avoir attiré de nombreux artistes tels qu'Édouard Manet, Sarah Bernhardt, Claude Debussy ou Edmond Rostand (la rue Fortuny se trouve tout près), ce quartier va attirer de riches industriels comme les frères Pereire qui possèdent plusieurs hôtels particuliers dans le quartier. Un banquier, Émile Gaillard passionné par le Moyen-Âge et la Renaissance va se faire construire un luxueux hôtel particulier.

Dès que l'on sort du métro Malesherbes, on ne peut pas passer à côté de cet édifice tant il fait penser à un château !

Angle de l'hôtel Gaillard
Émile Gaillard souhaite édifier un hôtel particulier afin d'y installer ses collections de style Renaissance et fait appel à Jules Février en 1878 qui va s'inspirer notamment du château de Gien et surtout du château de Blois et plus particulièrement de son aile Louis XII soit un prestigieux édifice de la fin du Moyen-Âge et du début de la Renaissance française de la fin du XVème et du début du XVIème siècle.

Gargouille
Sur la façade, on trouve de nombreuses gargouilles qui nous rappellent le Moyen-Âge.

Fenêtre à meneaux
Les références au château de Blois se voient notamment à travers l'utilisation de la brique mélangée à de la pierre, les fenêtres à meneaux (photo ci-dessus). On remarque également la présence de la lettre « G » qui fait référence à Gaillard. Tout comme l'avait fait Louis XII dans son château…

Gouttière
Enfin, les gouttières (photo ci-dessus) sont largement inspirées du château de Blois.

Représentation d'Émile Gaillard
Comme pour beaucoup de commanditaires fortunés, on trouve sur la façade une représentation d'Émile Gaillard en costume d'époque Renaissance tenant à sa main gauche une bourse faisant référence à la banque.

Représentation de Jules Février
Quant à l'architecte, Jules Février s'est représenté à sa table de travail avec son compas également en costume Renaissance.

Détail de l'escalier du vestibule
À l'intérieur, vous trouverez un bel escalier de style gothique au décor végétal. Un petite sculpture orne chaque pilier d'un personnage vêtu à la mode Renaissance.

Sol du vestibule
Le sol est couvert de faïence aux fleurs de lys, référence à la royauté.

Plafond
À plus de 12 mètres de hauteur, vous observez une voûte pourvue de nervures végétales constituées de stuc.

Cheminée de la salle à manger
Émile Gaillard a pris le soin de récupérer des éléments appartenant au XVème siècle telle la cheminée que l'on voit sur la photo ci-dessus et des sculptures du XIXème siècle qui imitent le style Renaissance (photo ci-dessous).

Animaux sculptés du XIXème siècle
Dans cette pièce, il est difficile de savoir si tel élément appartient à la Renaissance ou au XIXème siècle tant la ressemblance est frappante.

Boiseries du XVème siècle
Tout au long de la visite, vous trouverez de nombreuses boiseries, portes en bois et de belles cheminées sculptées.

Cheminée de la salle de bal
L'hôtel Gaillard est pourvu d'une salle de bal où s'est déroulé notamment un grand bal costumé en 1885. Bien évidemment, chaque invité se devait de venir habillé comme au temps d'Henri II ou de Charles IX (XVIème siècle). Selon la documentation de Citéco, ce bal a eu un tel retentissement que toute la presse à l'époque en avait beaucoup parlé. Aujourd'hui, on l'aurait vu sur Instagram !

Balustrade de la salle de bal
Dans la salle de bal, on remarque la présence d'une balustrade en bois. On devine en arrière plan un plafond pourvu de solives peintes tel que l'on faisait au XVIème siècle.

Sculptures
Sous la balustrade, on observe la présence de curieuses sculptures. Ces drôles de sculptures ne datent pas du XVIème siècle mais sont en harmonie avec l'esprit Renaissance.

Sculpture
Émile Gaillard possédait une riche collection de sculptures et de mobilier des XVème et XVIème siècles. Lorsque meurt Émile Gaillard puis sa veuve, les collections du couple sont revendues. En 1919, l'hôtel Gaillard est vendu à la Banque de France pour en faire une succursale. Le lieu va être adapté afin de se conformer aux locaux d'une banque par l'architecte Alphonse Defrasse.

Partie réaménagée des années 1920 (hall ouvert au public)
À travers le plafond, on trouve un esprit Art déco, plus dans l'air du temps.

Sculptures
Toutefois, l'architecte va transformer les lieux tout en respectant le travail de son prédécesseur. Ici, les sculptures d'esprit médiéval restent.

En 2006, la succursale ferme ses portes pour des raisons économiques. Le lieu est entre-temps classé monument historique. Sur une décision de la Banque de France, l'hôtel Gaillard devient un musée consacré à l'Économie.

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