dimanche 19 mars 2017

Les fontaines de Paris: introduction et bibliographie

Saviez-vous que Paris était dotée de plus de 1200 fontaines et points d'eau dont certains vous procurent même de l'eau gazeuse?
Il ne s'agit pas ici de faire l'inventaire de toutes les fontaines de Paris mais de faire un point sur le patrimoine historique des fontaines parisiennes. Je me suis penchée sur les plus anciennes fontaines de Paris encore visibles et me suis arrêtée aux fontaines dites « Wallace », premier modèle de fontaine à avoir été conçu en série.

Je me suis essentiellement documentée à partir de l'œuvre de Jacques Barozzi, Paris de fontaine en fontaine, Parigramme, 2010. Les pages de Wikipédia m'ont permis de compléter le livre de Jacques Barozzi. Pour certaines adresses, j'ai consulté le Dictionnaire historique des rues de Paris de Jacques Hillairet, Éditions de Minuit. En ce qui concerne l'histoire de l'implantation des fontaines, j'ai consulté la documentation d'Eau de Paris. Enfin, j'ai utilisé ponctuellement la base Mérimée pour l'inscription aux monuments historiques, le Dictionnaire de la mythologie gréco-romaine, sous la direction d'Alice Collognat, Omnibus, 2012, Les hôtels particuliers de Paris. Du Moyen-Âge à la Belle-Époque, d'Alexandre Gady et À la découverte du Marais de l'association pour la Sauvegarde et la Mise en valeur du Paris historique.

Fontaine dite Wallace, modèle à colonnette, place de Barcelone, XVIe arrondissement

Notre balade urbaine commence au XVIe siècle lorsque l'eau courante n'existe pas et qu'il faut alimenter toute la population parisienne en eau. Avec le nombre de Parisiens qui s'accroît au XVIIIe siècle, le nombre de fontaine va augmenter. La fontaine va assurer ce rôle jusqu'au XIXe siècle. La fonction utilitaire prend bien évidemment le dessus sur l'aspect décoratif. Pourtant, au fur et à mesure, on va ajouter des ornementations et des sculptures qui vont faire de la fontaine une œuvre d'art urbaine à part entière voire un monument.

Les fontaines : XVIe et XVIIe siècles

Fontaine Maubuée

Angle du no 120 de la rue Saint-Martin et de la rue de Venise, IVe arrondissement
Fontaine Maubuée vue depuis la rue Saint-Martin

La fontaine représentée ci-dessus dite « Maubuée » serait l'une des plus anciennes de Paris. On doit l'origine de son nom aux mauvaises eaux de Belleville qui seraient de « mauvaise qualité » selon le Dictionnaire Historique des rues de Paris de Jacques Hillairet.
La fontaine actuelle a connu une restauration en 1733 par Jean Beausire que nous aurons l'occasion d'évoquer ultérieurement. Puis en 1937, la fontaine est démontée avant de resurgir lorsque le quartier de Beaubourg se transforme dans les années 1960.

Côté rue Saint-Martin, on remarque un bas relief représentant un vase empli de plantes. Selon le livre de Jacques Barozzi, Paris de fontaine en fontaine, on peut imaginer qu'un autre bas relief se trouvait de l'autre côté. Au-dessus de cette représentation, on distingue une plaque vide, peut-être une ancienne inscription aujourd'hui disparue. Malgré la plaque d'égout, l'eau ne coule plus aujourd'hui.

Fontaine des Innocents

Place Joachim du Bellay, Ier arrondissement
Fontaine des Innocents
S'il y a une fontaine qui symbolise le quartier des Halles, c'est bien celle des Innocents située sur une place où l'on se donne rendez-vous.
Nous sommes en pleine Renaissance lorsqu'en 1547 Pierre Lescot dessine les plans de cette œuvre monumentale devenue aujourd'hui monument historique.
Selon Jacques Barozzi, Paris de fontaine en fontaine, Henri II se serait servi de cette fontaine pour en faire sa tribune lors de son arrivée à Paris.
Si des boutiques et des bars entourent de nos jours cette fontaine, il faut imaginer au XVIe siècle la présence d'une église et d'un cimetière qui disparaissent au XVIIIe au profit d'un marché. Sous le Second Empire, on y construit les halles de Baltard. En 1860, Gabriel Davioud installe la fontaine sur un piédestal en forme d'escalier. Le site Wikipedia nous montre à travers quelques photos les changements que subit la place au fil des ans avec sa belle fontaine.
Détail de la fontaine des Innocents
Au départ, la fontaine s'appelait « Fontaine des Nymphes » (selon Wikipedia) certainement à cause de ses bas-reliefs représentant des naïades sculptées par Jean Goujon. Richement décorée, la fontaine des Innocents est de forme carrée et est ornée de pilastres de type corinthien (avec des feuilles d'acanthes). Au sommet des pilastres, on distingue un « H » — peut-être une allusion à Henri II ? Au centre, on distingue une vasque. Au niveau des extrémités du socle, on remarque le blason de la Ville de Paris avec son bateau sculpté.

Fontaine de la Halle aux Blés

Rue de Viarmes, Ier arrondissement
Partie basse de la fontaine
Apposée à l'actuelle Bourse du Commerce, la fontaine de la Halle aux Blés constitue la partie basse de la Colonne Médicis appelée aussi « colonne astronomique ».
Colonne Médicis, partie haute
Ce qu'il faut savoir, c'est que cette fontaine et sa colonne sont les vestiges d'un ancien hôtel construit en 1575 pour Catherine de Médicis appelé à l'époque Hôtel de la Reine. Selon les indications de la Ville de Paris, cette colonne servait d'observatoire par des astrologues. Catherine de Médicis pouvait y entrer par le premier étage de la colonne.
Selon le site Wikipedia, un robinet, disparu suite à un incendie, alimentait les Parisiens en eau venue de Notre-Dame et de Chaillot.
Détail
Le blason représentant Paris rappelle que cette colonne appartient à la Ville de Paris.

Fontaine Médicis

Jardin du Luxembourg, VIe arrondissement
Fontaine Médicis vue de face
Lorsque Marie de Médicis, alors veuve d'Henri IV, fait construire le palais du Luxembourg, elle demande à l'ingénieur Thomas Francine de lui construire une grotte qui deviendra avec le temps une fontaine. Selon le Sénat, on daterait l'édification du portique de cette fontaine autour de l'année 1630. Marie de Médicis aurait souhaité retrouver l'atmosphère qui régnait dans sa Toscane natale. Un aqueduc a été placé selon le souhait de la reine. Toutefois, la riche façade sculptée a été grandement modifiée au XIXe siècle notamment lorsque Haussmann fait percer la rue Médicis en 1862. On restaure le bassin qui devient rectangulaire et l'on y ajoute des figures mythologiques.
Figures mythologiques
Selon le livre de Jacques Barozzi, Auguste Ottin aurait sculpté une scène mythologique intitulée Polyphème surprenant Acis et Galatée. Le Dictionnaire de la mythologie gréco-romaine dirigé par Annie Collognat décrit Polyphème comme « le plus monstrueux des Cyclopes bergers et anthropophages de l'Odyssée ». Cette scène évoque Polyphème, amoureux de Galatée, qui écrase Acis avec un rocher. Galatée finit par changer le Cyclope en fleuve...
Le côté sombre et imposant de Polyphème contraste avec la clarté et la légèreté du couple.
Faune
Autour de ces trois personnages, figurent un faune à gauche et une chasseresse à droite.

Chasseresse
L'histoire de la fontaine Médicis ne s'arrête pas là (voir fontaine de Léda).

Ancienne fontaine Eginhard

Rue Eginhard, IVe arrondissement
Fontaine vue de face

On sait peu de choses sur cette fontaine dont il ne reste que quelques vestiges et qui est difficile à dater. Néanmoins, Jacques Hillairet évoque dans son Dictionnaire l'existence des propriétés qui l'entourent autour des années 1650.
La fontaine se présente sous la forme d'un puits. Sur le mur, on devine une sculpture aujourd'hui disparue.
Oculus avec les lettres « SA » qui évoquent Sainte-Anastase
Au XIIIe siècle, cette rue se nommait ruelle Neuve-Saint-Paul, puis au XVIIe siècle, rue Neuve-Sainte-Anastase.

Fontaine du Pot-de-Fer

Angle du no 60 de la rue Mouffetard et de la rue du Pot-de-Fer, Ve arrondissement
Fontaine vue de face
La place de cette fontaine ne serait pas due au hasard. Selon le Dictionnaire historique des rues de Paris de Jacques Hillairet, un puits s'y trouvait.
En 1624, on pose une première pierre puis en 1672, un certain Michel Noblet fait construire une fontaine. D'après le livre de Jacques Barozzi, Paris de fontaine en fontaine, l'eau de la fontaine du Pot-de-Fer proviendrait de l’aqueduc d'Arcueil qui alimentait le palais du Luxembourg.

La fontaine se présente sous la forme d'un angle arrondi. La frise aux multiples motifs aurait été ajoutée au XVIIIe siècle. La base Mérimée confirme son inscription aux monuments historiques.

Fontaine de Sainte-Avoye

58, rue du Temple, IIIe arrondissement
Fontaine vue de face
Cette fontaine ne brille pas par sa grandeur mais a le mérite d'être l'une des plus anciennes. Érigée par les religieux de Saint-Martin-des-Champs une première fois au XIIIe siècle selon Jacques Hillairet, la fontaine aurait subi un déplacement vers la rue du Temple en 1682.
De forme fine et étroite, la fontaine est dotée d'un fronton présentant deux dauphins avec le symbole de Paris en son centre qui ont certainement ajoutés par la suite.

Fontaine Boucherat

Angle du no 133 de la rue de Turenne et du no 70 de la rue Charlot et place Olympe de Gouge, IIIe arrondissement
Fontaine Boucherat
C'est à l'angle de la rue de Turenne (anciennement rue Boucherat, d'où son nom — le chancelier Boucherat aurait été l'exécuteur de la révocation de l'Édit de Nantes, pour la petite histoire) et de la rue Charlot qu'est édifiée cette fontaine en 1698.
D'allure monumentale et de forme quadrangulaire, la fontaine comporte un fronton triangulaire. Juste en-dessous, on peut lire une phrase en latin qui évoque le traité de Ryswick signé notamment par Louis XIV. On remarque également la présence de la tête d'un faune juste au-dessus d'un arc. Plus bas, une tête de lion apporte l'eau de la fontaine.
Plaque
En plein centre, une plaque rappelle qui a construit cette fontaine. On apprend le nom de l'architecte, Jean Beausire. Ce dernier est connu pour avoir fait restaurer des fontaines (dont celle de Sainte-Avoye) et fait ériger d'autres fontaines sous Louis XIV et Louis XV. Il reprend ainsi la place de Michel Noblet en supervisant les constructions des fontaines de la capitale.
Enfin, selon la base Mérimée, cette fontaine est classée monument historique.

Et du côté des propriétés privées?

Jusqu'à présent, on a pu voir les fontaines publiques avec leurs spécificités architecturales et ses multiples restaurations. Je vous propose ici de vous montrer trois exemples de fontaines privées que l'on pouvait voir dans des hôtels particuliers au XVIIe siècle.

Fontaine du Coq

Avenue du Coq, IXe arrondissement
Fontaine de l'avenue du Coq
Au fond de l'avenue du Coq — qui est en fait une impasse — vous tomberez sur une modeste fontaine.
Cette fontaine est d'apparence utilitaire avec sa partie en bronze encastrée dans un petit cul-de-four, c'est-à-dire de forme voûtée, et son petit bassin.
Détail de la fontaine du Coq
Si aucun mascaron ne déverse d'eau, toutefois une frise pourvue de coquillages embellit la pierre. De plus, un poisson armé d'un trident apporte une petite une touche de fantaisie.
Cette fontaine appartenait autrefois au château des Porcherons, devenu par la suite, Château du Coq. Construit initialement au XVe siècle, ce château aurait été détruit selon la page Wikipedia au Second Empire. La fontaine du Coq est le seul vestige de ce château.

Fontaine de l'Hôtel Chalon Luxembourg

26, rue Geoffroy l'Asnier, IVe arrondissement
Fontaine de l'Hôtel Châlon Luxembourg
L'Association pour la Sauvegarde et la Mise en valeur du Paris historique a édité un ouvrage, À la découverte du Marais, à partir duquel je me suis documentée.
L'hôtel Chalon Luxembourg dont on peut voir sa fontaine ci-dessus aurait été construit vers 1625. Cet hôtel particulier a abrité plusieurs propriétaires durant le XVIIe siècle. L'allure générale de la propriété a subit peu de modifications au cours des siècles. On peut en déduire que la fontaine daterait du XVIIe siècle.
La fontaine est plutôt de petite taille par rapport aux fontaines publiques que l'on pouvait construire à cette époque. Toutefois, cette fontaine ne manque pas de sophistication puisqu'elle est pourvue d'une plaque de fer sur laquelle on peut voir une mère et son enfant entourée d'angelots. Il s'agit très certainement d'une représentation d'une « Vierge à l'enfant ». Les personnages sont entourés de cornes d'abondance. Enfin, un petit mascaron (une tête de chien ?) a été placé pour déverser l'eau.

Fontaine Colbert de Villacerf

23, rue de Turenne, IVe arrondissement
Fontaine vue de face
En plein cœur du Marais, vous pouvez admirer — malheureusement derrière une grille — une magnifique fontaine très blanche avec une sculpture très sombre au centre.
Dans son ouvrage Les Hôtels particuliers de Paris, Alexandre Gady situe l'existence de cette bâtisse vers 1646 pour Edouard Colbert de Villacerf (le neveu du grand Colbert). Selon Jacques Barozzi dans son œuvre Paris de fontaine en fontaine, cette fontaine aurait été certes conçue au XVIIe siècle mais aurait subi moult modifications au XIXe siècle.
La fontaine, accolée à la façade, s'impose dans le décor. Au centre, on peut voir un personnage féminin, une nymphe selon J. Barozzi, tenant une cruche. En-dessous, on distingue deux tout petits mascarons à tête de lion. La nymphe est entourée d'une imposante sculpture de pierre qui forme une sorte d'arc. Au-dessus de cet arc on aperçoit Neptune le dieu des océans.

Pour poursuivre la balade, rendez-vous au XVIIIe siècle.

Les fontaines : XVIIIe siècle

L'ensemble des fontaines présentées dans ce chapitre sont toutes inscrites ou classées monuments historiques.

Fontaine Colbert

6, rue Colbert, IIe arrondissement
Façade de l'immeuble abritant la fontaine Colbert

À deux pas de l'ancienne Bibliothèque nationale, vous croiserez les vestiges d'une fontaine construite par Jean Bausire en 1708 selon J. Barozzi pour alimenter l'hôtel particulier du contrôleur général des finances Nicolas Desmarets (de l'entourage de Jean-Baptiste Colbert).
Si une imposante fenêtre couvre la façade, on peut imaginer qu'à l'époque de sa construction elle n'y figurait pas. En revanche, le mascaron représentant un satyre malheureusement vandalisé à l'air plus ancien.
Jacques Hillairet dans son Dictionnaire historique des rues de Paris nous explique qu'au sous-sol de cette fontaine se trouvait une glacière.
Fronton de la fontaine Colbert
En 1713, Nicolas Desmarets cède la fontaine à la Ville de Paris, ce qui explique la présence du fronton aux symboles parisiens entourés de deux dauphins.

Fontaine du Vert bois (ou fontaine Saint-Martin)

Angle de la rue Vert bois et de la rue Saint-Marin, IIIe arrondissement
Fontaine du Vert bois vue de face
Selon Wikipedia, cette fontaine aurait été construite en 1712 par l'architecte Pierre Bullet pour la Ville de Paris. Accolée au prieuré Saint-Martin-des-Champs (bâtiment construit à l'époque médiévale), cette fontaine a failli être démolie lors de l'intervention du baron Haussmann. La plaque centrale indique également une restauration au XIXe siècle. Cette plaque est entourée de pilastres aux formes vermiculées (comme des vers) et « congélation » (qui imite le froid). Au-dessus de la plaque, on retrouve le bateau parisien avec une toute petite tête de monstre marin sculptée.
Tout près du sol, on aperçoit un mascaron à tête d'animal marin sans doute imaginaire.

Fontaine Palatine

12, rue Garancière, VIe arrondissement
Fontaine Palatine

Cette fontaine adossée à un mur aurait appartenu à la princesse Palatine Anne de Bavière en 1715 construite selon les plans de Jean Bausire mais ce n'est pas sûr selon Wikipedia. La princesse Palatine aurait eu la volonté de faire profiter aux Parisiens des eaux d'Arcueil depuis sa demeure du Petit Luxembourg, selon l'inscription latine qui figure au sommet de la fontaine:

« Avec l'agrément du préfet et des édiles la sérénissime princesse Anne Palatine de Bavière veuve du sérénissime prince Henri-Jules de Bourbon, prince de Condé voulut qu'ici, qu'à ses frais, coulât l'eau pour les citoyens. L'an du seigneur 1715. »
Mascaron

La fontaine se présente sous la forme d'une porte et est dotée d'un petit mascaron de bronze d'où l'eau s'écoule encore aujourd'hui.

Fontaine de Montreuil (ou fontaine de la Petite-Halle ou fontaine de l'Abbaye)

Place du Docteur Antoine Béclère, rue du Faubourg-Saint-Antoine, XIe arrondissement

Vue de la fontaine
Dans un terre-plein du XIe arrondissement, vous pouvez croiser une fontaine assez imposante et de style dorique.
Pourquoi une fontaine aurait-elle été construite de manière isolée dans un terre-plein? En fait, son emplacement est fortement liée à l'histoire de ce quartier.
En 1710, Jean Beausire (encore lui !) dessine les plans de la fontaine destinée à l'abbaye (« remplacée » aujourd'hui par l'hôpital Saint-Antoine). À cette époque, nous dit Jacques Barozzi, seules les religieuses de cette abbaye étaient autorisées à gérer le commerce de la viande. On y installe alors une Petite Halle et un marché (détruit en 1940). La fontaine est le seul élément lié à cette activité qui subsiste.
La première pierre de cette fontaine aurait été posée par Louis XV.

Mascaron
Construite entre 1710 et 1722, la fontaine se caractérise par une grande sobriété. Seule fantaisie : le petit mascaron au visage barbu. Selon l'œuvre de Jacques Barozzi, cette sobriété s'expliquerait par le manque de moyens dû à la banqueroute de John Law. Malgré tout, cette fontaine est classée monument historique.

Fontaine de Charonne (ou Trogneux)

Angle de la rue du Faubourg-Saint-Antoine et de la rue de Charonne (XIe arrondissement)
Fontaine de Charonne vue de face
La fontaine de Charonne fait partie des fontaines commandées par Louis XV pour permettre aux habitants de ce faubourg de se pourvoir en eau car nous sommes à cette époque à la limite de la ville.
C'est Jean Beausire qui se charge de sa construction dès 1719 selon Jacques Barozzi. Néanmoins, Jacques Hillairet évoque une première pierre en 1710.
Cette fontaine est parfois surnommée « Trogneux » du nom de l'échoppe qui s'y trouvait tout près.
De structure dorique avec son fronton triangulaire la fontaine de Charonne s'impose sur la façade. Deux petits mascarons à tête de lion distribuent l'eau.
Détail de la fontaine
Sa façade animalière nous évoque le monde des mers avec des dauphins, des coquillages, des serpents de mer et un poisson.
Détail de la façade animalière
Plusieurs fois restaurée, toutefois sans changements majeurs, la fontaine Trogneux est classée monument historique.

Fontaine de la Reine

Angle de la rue Saint-Denis et de la rue Greneta, IIe arrondissement
Fontaine vue de face
La fontaine de la Reine, aussi appelée fontaine Greneta a été construite en 1732 par Jean Bausire et son fils pour le conte d'un certain Claude Aubry, éventailliste selon Jacques Barozzi. Accolée à un immeuble, cette fontaine remplacerait une ancienne fontaine dite « Greneta » présente depuis le XVIe siècle.

Autre quartier, autre style... De forme arrondie, la fontaine présente deux mascarons barbus.
Détail de la façade
Malgré l'absence du mascaron qui autrefois déversait l'eau, la fontaine de la Reine est aujourd’hui classée monument historique.
Mascaron

Fontaine des Quatre Saisons (ou fontaine de Grenelle)

57-59, rue de Grenelle, VIIe arrondissement
Fontaine des Quatre saisons
En 1739, on décide d'ériger une fontaine en l'hommage à Louis XV. Pour cette construction, on fait appel au sculpteur Edmé Bouchardon.
Fontaine, partie centrale
L'étroitesse de la rue de Grenelle fait qu'il est difficile d'avoir un point de vue d'ensemble de cette fontaine... à moins d'avoir le privilège d'habiter en face ! Richement ornée, l'œuvre est composée de sept sculptures, de quatre bas reliefs (qui font référence aux quatre saisons) et s'étend sur 29 mètres de largeur et de 11.60 mètres de hauteur. Le coût est à la hauteur de l'œuvre : 139 000 livres nous dit Wikipedia.

Ce qui frappe, c'est la sculpture centrale composée de trois personnages avec au centre, une jeune fille entourée d'un homme et d'une femme. La femme au centre serait, selon Jacques Barozzi, la personnification de la Ville de Paris, l'homme à gauche, la Seine et à droite, la Marne.

La Marne déversant son eau
Au-dessus de ces personnages, une inscription latine rappelle l'hommage à Louis XV, roi « pacifiste ».
Ici, on peut vraiment parler d'œuvre monumentale et pourtant, seuls 4 tout petits mascarons apportent l'eau nécessaire aux habitants de ce quartier.

Mascaron
Les mascarons de la fontaine des Quatre saisons ressemblent étrangement à celle de la fontaine du Vert bois.

Fontaine des Haudriettes

Angle de la rue des Haudriettes et de la rue des Archives, IIIe arrondissement
Fontaine vue de face
En 1764, l'architecte Pierre-Louis Moreau-Desproux (petit-fils de Jean Beausire) construit une fontaine à la demande du prévôt des marchands pour remplacer une fontaine du XVIIe siècle.
La fontaine est de style néo-classique, plutôt monumentale, elle est dotée d'une sculpture de Pierre-Philippe Mignot.
Sculpture
La sculpture représente une naïade allongée et vue de dos. Le personnage se repose sur un vase d'où coule de l'eau. Ce que l'on remarque est le contraste entre la finesse de la sculpture et l'aspect massif de la fontaine.
Mascaron
Un mascaron à tête de lion déversait autrefois de l'eau.

Fontaine de la Croix du Trahoir

Angle de la rue de l'Arbre-Sec et de la rue Saint-Honoré, Ier arrondissement
Fontaine de la Croix du Trahoir
En plein quartier des Halles, vous croiserez peut-être une fontaine adossée à un immeuble conçu par l'architecte Soufflot en 1775.
L'eau de cette fontaine coule depuis un énorme mascaron (photo ci-dessous) dans une vasque qui peut faire penser à un bénitier. Au-dessus, on peut lire une inscription faisant référence à la restauration de la fontaine sous Louis XVI. Au sommet, on remarque les trois fleurs de lys propres à la couronne surplombées d'un fronton arrondi.
Mascaron à tête d'homme
Selon le livre de Jacques Barozzi, l'emplacement de cette fontaine est dû à la présence d'un château d'eau dont l'eau provenait de la pompe de la Samaritaine (à l'endroit où l'on a construit par la suite le célèbre grand magasin).
Devant cette fontaine, sur la place du Trahoir, une potence était installée pour y punir les malandrins. Avant leur supplice, on y plaçait une croix et les condamnés pouvaient prier une dernière fois. Ce qui pourrait expliquer la forme de la vasque et le regard patibulaire du mascaron !

Fontaine de Jarente (ou fontaine de la Poissonnerie)

Impasse de la poissonnerie, IVe arrondissement
Fontaine vue de face
La fontaine de Jarente est adossée au mur de l'impasse de la rue de la poissonnerie qui donne sur la rue de Jarente. Elle est encadrée de deux pilastres aux motifs congelés avec un fronton triangulaire.
Au-dessus, on peut voir un bas relief représentant un faisceau de licteur, deux dauphins (tels qu'on les représentaient à l'époque) et des cornes d'abondance.
Détail de la fontaine
Un mascaron à tête de satyre se charge de déverser l'eau.
Mascaron


Jacques Barozzi situe la fontaine de Jarente vers 1786 pour une propriété privée. À la même occasion, on installe dans l'impasse une petite halle aux poissons qui lui donne son nom. Les poissonniers récupéraient l'eau depuis cette fontaine.

La balade se poursuit sous Napoléon.

Les fontaines du XIXe siècle sous Napoléon

Fontaine de Neptune

86, rue du Cherche-Midi, VIe arrondissement
Fontaine de Neptune
Tout au fond d'une cour de la rue du Cherche-Midi (anciennement cour des Thuileries), vous tomberez sur une petite merveille. Une fontaine dotée d'une sculpture qui représente Neptune entouré de pilastres richement décorés.
Neptune, dieu des Eaux vives et des sources est reconnaissable par son trident, sa longue barbe et une sorte de pagaie qu'il tient à la main droite.

Intéressons-nous à la frise sculptée :
Tritons
Juste au-dessus de Neptune, on distingue des tritons (descendants de Neptune) chevauchant un dauphin à gauche et un hippocampe à droite.


Représentation d'animaux marins

Sur la photo ci-dessus, on peut voir une représentation du dauphin tel qu'on pouvait l'imaginer au XIXe siècle entouré d'animaux marins.

Petit mascaron au visage féminin

Petit mascaron au visage masculin
Seuls les deux mascarons (photos ci-dessus) et la tête de lion nous renvoient sur terre puisqu'ils n'ont aucun rapport avec le personnage de Neptune.

Il est difficile de dater exactement cette fontaine. Tout ce que l'on sait vient d'un extrait du « règlement du PLU » du VIe arrondissement qui évoque le « début du XIXe siècle » pour dater ce joyau d'allure antique.

Fontaines du décret de Saint-Cloud

Avec l'arrivée de Napoléon Ier au début du XIXe siècle, le paysage parisien va connaître quelques petites transformations. Selon le « livret fontaine » conçu par Eau de Paris, on apprend que l'empereur souhaite mieux approvisionner en eaux les Parisiens. Pour cela, Napoléon va mettre en place un programme d'urbanisation qui va impacter les fontaines de Paris. Ce programme prévoit notamment de faire creuser un canal, en l'occurrence celui de l'Ourcq ; de restaurer quelques fontaines anciennes dont certaines ne fonctionnent plus et de faire construire quinze nouvelles fontaines. Ces décisions proviennent du décret dit de « Saint-Cloud » du 2 mai 1806.
On a vu jusqu'à présent l'utilité des fontaines, celle de donner à boire à ses habitants. Avec le décret de Saint-Cloud, on va embellir la capitale et utiliser ces fontaines pour illustrer des événements ou célébrer d’illustres personnages.
La toute première nouvelle fontaine est celle du Fellah dont il est question dans l'article consacré à l'Égypte dans le thème du monde. Nous verrons ici d'autres exemples de ces quinze fontaines.

Fontaine de Mars

129-131, rue Saint-Dominique, VIIe arrondissement
Fontaine de Mars
La fontaine de Mars, appelée aussi fontaine du Gros-Caillou, nom du quartier est typiquement néo-classique. En effet, elle représente Mars, dieu de la guerre et Hygie, déesse de la santé et de l'hygiène, thèmes de la mythologie. Il faut aussi rappeler que nous sommes à proximité du Champs-de-Mars ce qui peut également expliquer son nom.
De structure carrée et plutôt imposante, cette fontaine est l'œuvre de François-Jean Bralle. Aux pieds de Mars, on remarque la présence d'un coq. À sa gauche, on reconnait Hygie à sa couronne de laurier et à la présence d'un serpent à qui elle a l'habitude de donner à boire selon le Dictionnaire de la Mythologie gréco-romaine (Dir. Annie Collognat).


Animal fabuleux à tête de bélier et queue de poisson

Dragon à queue de serpent
Sous les protagonistes, on croise deux animaux fabuleux inspirés de la mythologie.

Détail d'une sculpture
Sur les faces latérales de la fontaine, on aperçoit des urnes de style gréco-romain.
L'ensemble de ces sculptures est l'œuvre de Pierre-Nicolas de Beauvallet.

Mascaron
Le petit mascaron à tête de chien déverse encore aujourd'hui son eau.

La fontaine de Mars est inscrite aux monuments historiques.


Fontaine de la Charité

48, rue de Sévigné, IIIe arrondissement
Bas relief de la fontaine
Il est difficile de parler de fontaine car ce bas relief est tout ce qu'il reste de la fontaine de la Charité. Au départ, la fontaine Popincourt est construite en 1806 selon Wikipedia, rue Ternaux dans le XIe arrondissement. La fontaine est détruite dans les années 1860 lors du percement du boulevard Voltaire.
Le bas relief — de Félix Fortin — représente une mère allaitant et donnant à boire à des enfants. Cette sculpture est aujourd'hui transposée sur le mur du no 48 de la rue de Sévigné dans le quartier du Marais.
Pour les plus curieux, vous pouvez jeter un œil au témoignage de Lefebvre de Beauvray qui décrit l'ensemble de la fontaine Popincourt avant sa destruction dans son Journal d'un bourgeois de Popincourt.
La fontaine de la Charité fait partie des fontaines du décret de Saint-Cloud démolies dans les années 1850-1860 sous l'impulsion du préfet Haussmann et de ses transformations.

Fontaine de Léda

Jardin du Luxembourg, VIe arrondissement
Fontaine de Léda
Si vous souhaitez voir la fontaine de Léda, vous devrez vous rendre au jardin du Luxembourg et plus exactement au dos de la fontaine Médicis (cf. les fontaines des XVIe - XVIIe siècles).
Au départ, cette fontaine était située entre la rue de Vaugirard et du Regard — aujourd'hui place Saint-Placide — selon Wikipedia. Érigée en 1807 par François-Jean Bralle, la fontaine est déplacée dans le cadre des bouleversements haussmanniens dans les années 1850.
Bas relief d’Achille Valois
En 1807, le sculpteur Achille Vallois conçoit un bas relief représentant Léda et un cygne. Un petit ange se trouve à gauche tandis qu'une amphore et des roseaux se trouvent à droite du personnage mythologique.
Tout en haut à gauche, on remarque l'inscription « A. VALOIT 1807 pour la fontaine de la rue du regard » qui rappelle son ancien emplacement.
Sur les côtés du bas relief, on constate la présence de dauphins.
Fronton de la fontaine
Quant au fronton, il a été ajouté seulement en 1862.

Fontaine de la Paix

Allée du Séminaire, rue Bonaparte, VIe arrondissement
Fontaine de la Paix
Toujours dans le cadre du décret de Saint-Cloud, Napoléon Bonaparte fait construire la fontaine de la Paix en 1810 selon le livre de Jacques Barozzi.
À cette époque, la fontaine se situait place Saint-Sulpice puis elle a été déplacée au niveau du marché Saint-Germain avant d'être transférée rue Bonaparte en 1935, selon la base Mérimée. Coïncidence?

De structure carrée, la fontaine présente un bassin dont une colonne trône au milieu. Au-dessus, on peut y voir des frontons couverts de cornes d'abondances et de lyres. Cette colonne se termine par un socle au décor de type « congélation ».

Vasque à têtes de lions.
Sur deux faces, on remarque la présence d'une vasque couronnée de petites têtes de lions qui se chargent de verser timidement de l'eau (photo ci-dessus).


Détail sculpté
Pourquoi fontaine de la Paix?
Selon Wikipedia, cette fontaine devait symboliser le traité de paix d'Amiens conclu entre Napoléon et d'autres nations (dont le Royaume-Uni) en 1802.
Sur chaque face, la fontaine de la Paix représente des allégories du Commerce, des Sciences et des Arts, de l'Agriculture et de la Paix.
On retrouve toujours des allusions à la mythologie grecque : une Athéna ailée tenant la couronne de lauriers. Il s'agit ici, de l'Athéna Nikè, c'est-à-dire, la « victorieuse » en grec. On peut voir ici une allusion à une victoire de Napoléon sur les autres nations.
Personnages symbolisant le commerce
D'autres figures grecques sont sculptées sur la face consacrée au commerce.

Personnages symbolisant les sciences et les arts
Quant à la partie concernant les sciences et les arts, on remarque la présence d'objets symboliques que portent les personnages : le globe terrestre et le livre qui évoquent la connaissance.

Ajouter une légende
Enfin, l'agriculture est représentée à travers le bœuf et deux personnages dans un décor champêtre.
La fontaine de la Paix qui déverse peu d'eau est plus la représentation d'un Napoléon victorieux que d'une fontaine utilitaire qui donne à boire à ses riverains.
Cette fontaine est aujourd'hui inscrite aux monuments historiques.

La balade urbaine continue sous la Restauration et la Monarchie de Juillet.