dimanche 24 décembre 2023

DEMEURES DE PARISIENS CELEBRES : L'Ouest parisien

 Notre balade commence par le Triangle d'or, aux alentours des Champs-Élysées et la partie la plus huppée du XVIe arrondissement au nord de la Muette. 

Autour des Champs-Elysées

De célèbres peintres, écrivains et figures de la mode ont vécu autour du quartier des Champs-Elysées.

Berthe Morisot (1841-1895)

40, rue Paul Valéry, XVIe arrondissement

Dominique Bona dans son ouvrage Berthe Morisot. Le secret de la femme en noir nous apprend que Berthe Morisot et son mari Eugène Manet achètent un terrain et font construire un immeuble situé rue de Villejust - ancien nom de la rue Paul Valéry - en 1882. D'après le nom sur la façade, l'architecte serait un certain J. Moritz. Le couple et leur fille vont occuper deux étages nous précise la biographe. Derrière cette façade, on peut deviner un petit jardin et l'atelier de la peintre. C'est ici que le couple reçoit leurs amis artistes (Mallarmé, Whistler, Caillebotte, Mary Cassat, Degas etc.)
À la mort d'Eugène Manet, Berthe Morisot doit quitter son hôtel particulier pour des raisons financières mais le conserve pour le faire louer.

10, rue Weber, XVIe arrondissement

C'est en 1892 que Berthe Morisot et sa fille Julie s'installent au 10, rue Weber (photo ci-dessus). Ainsi, l'impressionniste peut peindre au bois de Boulogne situé juste à côté.  Au dernier étage de cet immeuble, Berthe Morisot y installe son atelier nous précise Dominique Bona. Cette adresse sera la dernière demeure de Berthe Morisot soit jusqu'en 1895. 


Plaque du 40, rue Paul Valéry

Revenons au 40, rue Paul Valéry. Toujours selon la biographe de Berthe Morisot, à la mort de l'artiste, sa fille Julie retourne dans l'immeuble particulier hérité de ses parents. Elle y installe ses cousines. Julie Manet épouse un certain Ernest Rouart (issu d'une famille de collectionneurs). L'une de ses cousines Jeannie Gobillard épouse l'écrivain Paul Valéry. Les couples vont habiter l'immeuble.


40, rue Paul Valéry (détail)





Selon le Dictionnaire historique des rues de Paris de Jacques Hillairet, des appartements appartiendraient toujours aux descendants. L'édition du dictionnaire date de 1985 ; toutefois, comme on peut le constater près de la porte cochère, l'atelier Rouart est toujours là.


Marcel Proust (1871-1922)

102, boulevard Haussmann, VIIIe arrondissement

S'il y a un écrivain qui n'a connu que les beaux quartiers, c'est bien Marcel Proust. L'écrivain a grandi essentiellement dans le XVIe arrondissement avant de s'installer dans un petit studio situé au 102, boulevard Haussmann dont on peut voir la façade qui abrite une banque aujourd'hui sur la photo ci-dessus.
Selon Francis Lecompte dans son ouvrage intitulé Paris et ses écrivains, il s'agirait d'une maison familiale. 
Cette façade présente des colonnes ioniques autour d'une porte monumentale. La plaque nous précise que Marcel Proust y aurait vécu de 1907 à 1919. Toutefois, Francis Lecompte et l'historien Jacques Hillairet évoquent plutôt l'année 1906 comme date d'entrée dans l'immeuble. Il est fort possible qu'à l'époque de Marcel Proust la façade ait été différente car on peut lire en haut à droite "Delolme architecte 1925".
Selon Jacques Hillairet, Marcel Proust aurait été expulsé de son studio suite au rachat de l'immeuble par la banque Varin Bernier dont on peut lire le nom sur la façade. Le site de la BNF confirme que cette banque fait partie du groupe CIC.

8bis, rue Laurent Pichat, XVIe arrondissement

En 1919, Marcel Proust est hébergé chez son ami Jacques Porel, fils de la comédienne Réjane au 8bis, rue Laurent Pichat pour quelques mois avant de s'installer rue de l'Amiral Hamelin jusqu'à sa mort dans un petit pied à terre selon Jacques Hillairet. 


Plaque du 8bis, rue Laurent Pichat

Victor Hugo (1802-1885)

124, avenue Victor Hugo, XVIe arrondissement


Selon Francis Lecompte dans son ouvrage intitulé Paris et ses écrivains, Victor Hugo se serait installé au 50, avenue d'Eylau (ancien nom de l'avenue Victor Hugo) en 1878. En 1881, l'avenue est rebaptisée "avenue Victor Hugo" du vivant de l'auteur (ce qui est extrêmement rare). Sur cette façade typiquement haussmannienne, on remarque la présence d'un mascaron qui représente l'écrivain avec la main sur sa tempe - l'œuvre d'un certain Fonquergne selon Jacques Hillairet dans son dictionnaire. L'auteur des Misérables y meurt en 1885. Toutefois, Jacques Hillairet nous apprend que l'immeuble qu'a connu Victor Hugo aurait été démoli en 1909 tandis que la façade de Pierre Humbert que nous voyons sur la photo indique l'année 1907. 
Et non, Victor Hugo ne contemplait pas son portrait lorsqu'il rentrait chez lui ! Nous aurons l'occasion d'évoquer une autre adresse où a vécu Victor Hugo dans un autre quartier.

Les sœurs Callot et Madeleine Vionnet avenue Montaigne

41, avenue Montaigne, VIIIe arrondissement

D'après le Dictionnaire historique de Paris, l'avenue Montaigne devient dans les années 1930 l'un des lieux privilégiés de la haute-couture française. Les grands noms de la mode s'appellent notamment Poiret, Chanel, Jeanne Lanvin et les sœurs Callot.
Selon le site du ministère de la culture, l'entreprise des sœurs Callot est en plein essor dès la Belle époque : les sœurs Callot participent notamment à l'Exposition universelle de 1900 et leurs dentelles se sont exportées jusqu'aux États-Unis. Hélas, avec la crise de 1929, l'entreprise va être rachetée à la fin des années 1930 avant de fermer définitivement dans les années 1950. 

34, avenue Montaigne, VIIIe arrondissement

Autre figure de la mode haute couture dont la plaque figure encore sur le trottoir de l'avenue Montaigne, Madeleine Vionnet (1876-1975). Selon l'ouvrage de Claire Lemonnier Elles ces Parisiennes. Promenade à la rencontre des femmes d'exception, Madeleine Vionnet exerce d'abord chez les sœurs Callot avant de créer sa propre maison de couture dès 1912. Madeleine Vionnet est connue pour avoir moderniser la mode : elle retire la gaine, le corset et pratique la couture de biais. Ses collections sont présentées par des modèles pieds nus.

En outre, Madeleine Vionnet s'est attachée à ce que ses employées puissent bénéficier de bonnes conditions de travail et d'avantages sociaux, et ce bien avant les lois de 1936. La couturière crée également le copyright pour protéger ses créations d'éventuelles copies selon Sophie Kurkdjian que l'on peut entendre dans le programme "Autant en emporte l'Histoire" sur France Inter, Madeleine Vionnet, où la haute-couture libre. 


Quartier de la Muette

Des noms de la politique, de la littérature et du sport ont vécu dans le sud-ouest parisien.

Georges Clemenceau (1841-1929)

8, rue Benjamin Franklin, XVIe arrondissement

Vous avez la possibilité de visiter le dernier appartement où a vécu Georges Clemenceau. L'appartement du journaliste et homme politique est classé Monument historique et est labellisé "Maison des Illustres" comme nous l'indiquent les deux logos rouges à gauche de la photo. 


Salle à manger

Selon l'œuvre d'Eric Fauguet Maisons célèbres. Écrivains artistes philosophes musiciens scientifiques, Georges Clemenceau s'y serait installé dès 1895 soit juste après l'affaire de Panama. Celui que l'on surnommait le Tigre y aurait rédigé ses articles consacrés à Dreyfus de 1899 à 1903.


Détail de la salle à manger

Selon la documentation du musée, l'appartement de Georges Clemenceau est devenu un musée en 1931 grâce à un admirateur - un certain James Stuart Douglas - et propriétaire de l'immeuble. 


Commode avec calendrier

Le dernier logement de Georges Clemenceau serait resté intact puisque les descendants auraient accepté de laisser l'essentiel des meubles et objets. Le calendrier que l'on voit ci-dessus s'arrête à la date du 24 novembre 1929, soit le jour de la mort de Georges Clemenceau.


Bureau

Malgré ses mandats politiques, Georges Clemenceau refuse ses logements de fonction et préfère travailler dans son bureau en forme de fer à cheval situé dans sa salle de travail. 


Lit

Le lit avec des ornements asiatiques présente un dragon. Le mobilier, notamment le lit et le grand 
bureau seraient l'œuvre de l'ébéniste Gabriel Viardot.

Bureau de la chambre

Dans sa chambre, l'homme politique dispose également d'un petit bureau pour pouvoir y travailler à toute heure.


Honoré de Balzac (1799-1850)

47, rue Raynouard, XVIe arrondissement

L'écrivain Honoré de Balzac a connu de nombreuses adresses aujourd'hui disparues excepté son pavillon que l'on peut aujourd'hui visiter. Outre les raisons financières, l'écrivain se serait installé au 47, rue Raynouard dès 1840 afin d'être au calme et suffisamment proche de Paris car nous sommes à cette époque-là dans le village de Passy et non encore à Paris, nous précise Eric Fauguet dans son ouvrage intitulé Maisons célèbres. Écrivains artistes philosophes musiciens scientifiques .



Maison avec vue sur le jardin

En plus du calme de la campagne, l'écrivain dispose d'un magnifique jardin. Dans les années 1840, il ne faut pas oublier que la tour Eiffel n'existe pas encore ainsi que la plupart des immeubles qui ont été construits a posteriori
Selon le panneau de la Ville de Paris, Honoré de Balzac y aurait séjourné jusqu'en 1847 sous le pseudonyme de "M. de Breugnol". Jacques Hillairet précise que le logement que l'on peut visiter aujourd'hui a été remodelé.


Cabinet de travail

Le musée nous permet d'admirer le cabinet de travail de l'écrivain. On peut y voir la table de travail et le fauteuil en bois de noyer.
On remarque à droite de la photo ci-dessus, la présence d'une porte asiatique en marqueterie accrochée au mur. Selon la documentation du musée, cette porte proviendrait de l'hôtel de Balzac acquis par l'auteur de La Comédie humaine dès 1846.

Cheminée du cabinet de travail

On observe une cheminée qui daterait du Second Empire selon Eric Fauguet, dans son ouvrage intitulé Maisons célèbres. Écrivains artistes philosophes musiciens scientifiques.


Illustration de l'Hôtel de Balzac par Dargaud


Sur la photo ci-dessus, on aperçoit un tableau qui représente l'ancien hôtel de Balzac. Selon la documentation de la Maison de Balzac, l'hôtel de Balzac situé rue Fortunée (actuelle rue Balzac) aurait été détruit en 1890.

D'après l'ouvrage d'Eric Fauguet, la maison de Balzac est classée Monument Historique en 1913.

Aujourd'hui, la maison-musée labellisée Maison des Illustres abrite une association qui met en avant toute l'œuvre d'Honoré de Balzac et met à disposition une bibliothèque pour les chercheurs.


Suzanne Lenglen (1899-1938)

65, rue du Ranelagh, XVIe arrondissement

Selon l'ouvrage intitulé Elles, ces Parisiennes. Promenades à la rencontre de femmes d'exception, la talentueuse joueuse de tennis Suzanne Lenglen serait née au 65, rue du Ranelagh (ou au hameau situé juste à côté, les sources ne sont pas très claires). 


Détail de la façade

Dès son plus jeune âge, Suzanne Lenglen, encouragée par son père entraîneur, joue au tennis. Elle remporte à l'âge de 15 ans son premier tournoi de Roland Garos. En plus de développer de nouvelles techniques de jeu, elle ose porter des tenues plus légères et colorées. 
On peut imaginer que Suzanne Lenglen devait disposer de très bonnes conditions matérielles et financières pour exercer son talent lorsque l'on observe l'immeuble cossu qu'elle a connu. Comme on peut le voir sur la photo ci-dessus, l'immeuble somptueusement décoré présente des guirlandes de fruits et de fleurs, des mascarons ainsi qu'une fine ferronnerie…


Cimetière de Passy

Pour clore ce chapitre sur le très chic ouest parisien, je vous propose un bref passage au cimetière de Passy où l'on peut croiser du beau monde.

Pavillon d'accueil du cimetière de Passy

Selon Jacques Barozzi dans son ouvrage intitulé Secrets des cimetières de Paris, la plupart des cimetières que l'on peut arpenter datent de l'Empire, soit le début du XIXe siècle. Celui de Passy date de 1820 et est annexé à la Ville de Paris en 1860. Le pavillon que l'on observe dans la photo ci-dessus date des années 1930 nous précise le panneau de la Ville de Paris.


Sépulture de Marcel Dassault

Ce cimetière à la particularité d'abriter des familles plutôt bourgeoises, des industriels, des personnes issues de la finance. On y trouve particulièrement des pionniers de l'aviation, notamment Henri Farman dont on aperçoit la tombe sur la photo ci-dessous, Maurice Bellonte et Dieudonné Costes. La sculpture funéraire serait l'œuvre de Paul Landowski selon l'œuvre de Jacques Barozzi. On voit l'aviateur manœuvrer son biplan.

Tombe d'Henri Farman

Néanmoins, on y dénombre quelques artistes comme le couple Edouard Manet et Berthe Morisot, Réjane mais aussi des écrivains comme Jean Giraudoux ou le journaliste Henri Fouquier.


Tombe d'Henry Fouquier

Enfin, on constate qu'à travers les personnes célèbres, le cimetière de Passy reflète ses anciens habitants de l'ouest parisien ou bien des personnes liées à ces beaux quartiers tel que Robert Mallet-Stevens qui a pas mal construit dans le XVIe arrondissement. 

Pour en savoir plus sur Robert Mallet-Stevens et les ateliers d'artistes qu'il a construit, c'est 👉 ici.

Tombe de Robert Mallet-Stevens

D'autres artistes à découvrir figurent dans ce cimetière qui n'est pas désagréable et peut se visiter en une seule fois. Néanmoins, parmi tous les cimetières que j'ai arpenté à Paris, le cimetière de Passy est particulièrement bruyant. En effet, ce cimetière à la particularité d'être juxtaposé à la place du Trocadéro avec une forte circulation automobile.


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